Les 351 déserteurs.

par Syndicat des Petites Mains Fakiriennes 30/08/2023

On a besoin de vous

Le journal fakir est un journal papier, en vente dans tous les bons kiosques près de chez vous. Il ne peut réaliser des reportages que parce qu’il est acheté ou parce qu’on y est abonné !

Les 351 déserteurs

Une poignée de lecteurs oublient de se réabonner, et c’est le psychodrame.

« C’est vrai, ce que je lis ? Les chiffres, là… »
Il est descendu, tout pâle, le rédac’ chef, en tenant à la main un bout de papier. On a vite reconnu les chiffres des derniers abonnements, qu’avait imprimés Magalie. Il a entamé la lecture, bredouillant, les jambes flageolantes.
« "Total abonnés : 12 202 (soit moins 351 par rapport au précédent numéro). Peu de nouveaux abonnés : 219 seulement."
351… 351 abonnés en moins… »

Pour Cyril, voir les abonnements (ou les ventes) baisser, c’est un peu comme un gouffre qui s’ouvre sous ses pieds. Un séisme. Une catastrophe à ranger au même rayon que les plaies d’égypte, l’éruption du Vésuve sur Pompéi… On a essayé de le rassurer, du coup.
« 351 en moins, sur plus de 12 000, c’est pas énorme…
— 2 %, quand même ! 2 % ! C’est vertigineux ! »
Il a poursuivi, toujours aussi blême. « Faut arrêter l’hémorragie. On pourrait pas imaginer des mesures, genre "name and shame" ? On leur fout la honte. On publie leur nom, aux non-réabonnés, dans le prochain numéro, une pleine page… » Il délirait, complet.
« Mais ça va pas, non ?
— T’inquiète pas… tu sais comment ça fonctionne : ça baisse, et le coup d’après ça remonte. Nos lecteurs sont les meilleurs, mais parfois ils sont distraits, oublient de renouveler…
— On peut lancer une campagne, offrir un badge avec l’abonnement, ça va repartir ! C’est comme ça, ça va ça vient.
— Ouais mais là, ça s’en va et ça revient pas, a priori…
— Tu sais, pour la presse alternative, c’est quand même pas mal du tout, ces chiffres. Et nettement mieux que les autres ! »

Il s’est assis à la grande table de réunionrepaspliage, songeur, a saisi machinalement une plaque de chocolat, signe en général qu’il s’enfonce encore un peu plus dans la déprime.
« Mais on n’est pas comme les autres… On est Fakir ! On doit être lu, transmis, discuté, on doit inonder le pays ! J’ai fait un rêve : je rêve d’un abonnement Fakir dans chaque foyer… Que, dans le métro, tout le monde nous lise, plutôt que son smartphone. Qu’on gagne la bataille des idées. On était à quoi ? 16 000 abonnés, et là… » Il s’est redressé : « Et puis, y a les salaires, nos salaires ! On ne va plus pouvoir se payer si on ne vend plus assez ! »
Ça devenait beaucoup plus terre à terre, d’un coup, beaucoup moins « grande bataille des idées ». On a essayé de ne pas le brusquer : « Mais t’imagines, un Fakir dans chaque foyer, le boulot derrière ? Les exemplaires qui reviennent, ce que ça ferait comme travail ?, a pointé Pascale.
— Le fichier des abonnés, on le bosse encore sur tableurs Excel ! a plaidé Magalie.
— Et la chaleur ?, a renchérit Aline. Dans mon bureau, sous le toit, il fait 40°. C’est pas des conditions de travail… »

Ça tournait aux revendications syndicales. « Et puis, y a quand même un point positif, le taux de réabonnement augmente. Ça devrait nous laisser juste assez de marge pour le jacuzzi… » On n’a pas poussé la blague plus loin, tellement il semblait proche du malaise, le rédac’ chef. Alors, si vous voulez lui éviter la dépression, adonnez-vous sur notre site (ou rendez-vous en dernière page) !
Le SPMF, le Syndicat des Petites Mains Fakiriennes

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