Rafael Correa : « Avant, ils nous volaient l’espoir. »

par L’équipe de Fakir 24/05/2017

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Chavez est mort ? Mais la révolution bolivarienne bande encore !
Son nom, sa tête ne vous disent sûrement rien. C’est que Rafael Correa fait rarement la Une de nos JTs. Élu en 2007, 2009 et 2013 à la tête de l’Équateur, il s’est attaché à poursuivre la « Révolution Citoyenne » : audit et renégociation de la dette, assemblée constituante… Le changement, c’est là-bas !
Depuis, c’est Lenín Moreno qui a été choisi pour poursuivre la lutte la "Révolution Citoyenne". (issus du même parti que Rafael Correa ; dont l’investiture a lieu ce jour le 24 mai 2017)

«  Bonsoir, nous nous trouvons dans le Palais Gouvernemental avec le Président Rafael Correa qui nous a fait l’honneur de nous accueillir dans un jour si agité après une large victoire. Une victoire qui marque les esprits car avant que vous n’accédiez au pouvoir, cela faisait plusieurs années que l’Équateur connaissait une instabilité présidentielle chronique.

- D’abord, merci beaucoup pour cette interview, un grand salut à la Colombie, à cette grande patrie. Oui, l’Équateur a profondément changé, et peut-être que l’une des plus grandes victoires est cette stabilité politique retrouvée. Avant la Révolution Citoyenne, les chiffres étaient effrayants : en dix ans nous avons eu sept présidents, les trois gouvernements antérieurs à la Révolution sont tombés successivement, pour ne pas avoir tenu leurs promesses, pour avoir trahi ouvertement ce qu’ils avaient promis au peuple équatorien à travers les urnes. C’est donc un changement profond. Ici les choses changent beaucoup : routes, hôpitaux, écoles… Mais le plus important ce sont probablement ces changements intangibles, tels que retrouver une stabilité politique.

[*La dette immorale*]

- Quelle a été la clé de votre victoire électorale ?

- L’authenticité. Nous disons ce que nous pensons, et nous faisons ce que nous disons. Il ne s’agit plus de dire quelque chose pour plaire au peuple et de faire tout le contraire une fois élu. Des mythes se sont écroulés. Par exemple, cela faisait partie du « protocole » de la cérémonie de jurer sur la Constitution et prescrire ce que nous appelions les « paquetazos » – les programmes d’ajustement structurel imposés par le FMI : augmentation du gaz, de l’essence, du péage, de l’électricité, du téléphone, etc. Et pourquoi ? Pour payer une dette immorale qui, souvent, n’était pas détenue par des étrangers mais par des Équatoriens et des ministres, qui négociaient en notre nom alors qu’ils détenaient cette créance. Nous, nous n’avons pas fait de « paquetazo ». Nous avons refusé de payer cette dette immorale, nous avons fait son audit et démontré ce que nous savions tous : l’illégalité, l’illégitimité de cette dette. Nous avons imposé une renégociation, dans de très bons termes, et avons éliminé cette charge. Presque huit milliards de dollars on été économisés sur plusieurs années. Beaucoup de mythes se sont donc écroulés, des choses qu’on nous avait fait croire qu’il était impossible de faire. Ce n’est pas qu’elles étaient impossibles, mais qu’ils ne voulaient pas les faire, par intérêt. Comme le dit Cristina Fernández de Kirchner [Présidente de l’Argentine] : nous pouvons faire de nombreuses erreurs mais la clef de la popularité de nos gouvernements c’est qu’enfin les gens se sentent représentés. Que les gouvernements ressemblent à leurs peuples : travailleurs, engagés, patriotes, honnêtes. Je crois que c’est là la clef du succès populaire que nous avons eu.

[*L’Assemblée constituante*]

- Dans cette stabilité, Président, à quel point a été déterminant le fait que, au cours des six dernières années, vous ayez mis en place une assemblée constituante qui a rédigé une nouvelle Constitution, puis que l’ancien Congrès ait été dissous, révoqué, et qu’ait été élue une nouvelle assemblée avec des règles et des caractéristiques très différentes des anciennes ?

- C’est que tout était fait pour que rien ne change, pour qu’indépendamment du vainqueur de l’élection tout continue de la même manière. La Révolution a donc consisté à nous libérer de cette dictature.
Un exemple : le fait que le Président rentre en fonction le 15 janvier. Avant, cela se faisait le 10 août, car c’est en ce jour qu’eut lieu le premier soulèvement indépendantiste d’Équateur et d’Amérique Latine, une date emblématique pour les Équatoriens. La prise de fonctions a été décalée au 15 janvier. Savez-vous pourquoi ? Pour que cela coïncide avec le calendrier fiscal. Cette vision « économiciste » du monde est des plus simplistes. Les mauvais économistes croient qu’il suffit de savoir additionner et soustraire pour être économiste, ils ne comprennent pas ce qui est sacré, ce qui n’a pas de valeur monétaire mais une grande valeur sociale. La prise de fonction s’opérait donc le 15 janvier et le 31 le Président devait présenter le budget. C’est-à-dire que le budget était préparé d’avance, ils le lui donnaient à son arrivée. Banque centrale indépendante, oui, mais indépendante de son gouvernement, de son peuple, pas du FMI. Les pouvoirs qui nous dominaient, dont le pouvoir médiatique, organisaient son agenda, disaient au Président « non, vous devez éliminer tel impôt, imposer un "paquetazo", sinon que va dire le FMI ? Ils ne nous inviteront plus à leurs cocktails ». Il faut donc avoir beaucoup de sagacité pour se libérer de toutes ces choses. Ma formation d’économiste m’a beaucoup aidé : il était plus difficile de me duper en me disant « vous devez faire cela », nous savions très bien ce que nous devions faire. Mais il y avait une dictature institutionnelle. Nous sommes arrivés face à un Congrès en opposition complète, qui voulait interdire tout changement et avons eu beaucoup de chance de rencontrer sur ce chemin des gens honnêtes, par exemple le Président du Tribunal Suprême Électoral. Notre principale proposition de campagne était d’appeler à une consultation populaire pour que le peuple décide s’il voulait une assemblée constituante et une nouvelle constitution. Cela fut bloqué systématiquement par le Congrès dont les délégués, représentants des partis politiques, siégeaient au Tribunal Suprême Électoral. Grâce à Dieu, le Président de ce Tribunal a dit « ça suffit, on arrête ça ! », ce qui a permis de faire cette consultation populaire et dénouer ce processus : on appelle à la consultation populaire, on met en place l’assemblée constituante, puis une nouvelle constitution et on change radicalement le modèle néolibéral qui a fait tant de mal à l’Équateur.

[*L’élite*]

- Bien, vous avez dit après avoir gagné les élections que votre but est de rendre la Révolution irréversible. Que faut-il faire pour y arriver ?

- Achever de consolider les nouvelles institutions de l’État. Le point de départ, c’est de changer les relations de pouvoir. L’Amérique Latine a longtemps été dominée par des élites. Ce n’était pas des élites progressistes, modernisatrices pour le bien commun, c’étaient des élites qui accaparaient les fruits du progrès technique, pour avoir leurs quartiers propres, comme Monsieur Lasso [chef de l’opposition, néo-libéral], qui dit que je représente l’élite, alors qu’il vit dans un lotissement avec lac artificiel et carte magnétique pour entrer. Moi, on ne me laisse pas rentrer. Ils ont leurs propres forteresses, leurs propres écoles, qui ne donnent pas forcément de meilleure éducation mais qui sont si chères que seuls les plus riches y vont. Et ils se marient entre eux pour perpétuer la lignée, la domination. Ils ont leurs propres clubs, etc. Voilà ce qu’est la classe d’élite qui a dirigé l’Amérique latine, les pouvoirs qui ont dirigé notre pays. Ceux-ci sont devenus des États bourgeois, simulacres, représentants d’une minorité et laissant de côté la grande majorité. La révolution vise essentiellement à changer cette relation de pouvoir au profit des citoyens, de l’immense majorité, de l’humain sur le Capital – parce que le Capital nous a dominé comme il domine actuellement en Europe, soit dit en passant – et à transformer ces états bourgeois et simulacres en des états à part entière, populaires, qui nous représentent tous et toutes. Nous avons beaucoup avancé, mais tout reste réversible : c’est ça le message qui a été adressé au peuple équatorien. Nous devons rendre irréversible ce changement dans la relation des pouvoirs pour que toujours, ici dans notre pays, ce soient les citoyens et les êtres humains qui donnent les ordres, et plus jamais les banquiers, les médias corrompus, les pays hégémoniques, les bureaucraties internationales et le FMI, ou, pire encore, le Capital, particulièrement le Capital financier, comme ils ont dominé jusqu’à la Révolution Citoyenne.

[*L’espoir*]

- Il s’agit aussi des mentalités, ont-elles beaucoup changé en ce sens ?

- Énormément. Vous m’avez dit que vous ne connaissiez pas le pays il y a peu. Sachez que six ans plus tôt, il n’y avait pas de routes, pas de services publics, il n’y avait rien ! C’était un pays en ruines ! Mais plus que les routes, les écoles, les hôpitaux, la presse, les barrages, les ports, les aéroports, ce qui compte est le changement des mentalités. Ils nous avaient tant frappés : l’élite politique médiocre, la presse qui pour dominer nous volait l’espoir, nous persuadait que nous étions les plus inutiles, les plus corrompus, les plus paresseux, ils nous avaient tant bombardés que nous étions alors le pays du désespoir. C’est le plus grand changement que je vois. Les gens sont motivés, fiers de ce que fait leur patrie, ils se sentent représentés par leur gouvernement, ils ont retrouvé confiance en eux. C’est ça l’essentiel pour continuer d’avancer, plus important que les routes et les infrastructures, l’attitude des gens. Et cette attitude a engendré un demi-tour radical.

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Messages

  • Excellent.
    Dans le dernier paragraphe ("l’élite politique médiocre, la presse qui pour dominer nous volait l’espoir, nous persuadait que nous étions les plus inutiles, les plus corrompus, les plus paresseux, ils nous avaient tant bombardés que nous étions alors le pays du désespoir.") il parle de la France ?!!!!

  • Chavez est mort.

    La bonne nouvelle, c’est qu’on peut enfin utiliser le mot "camarade" qu’il nous a légué sans se sentir ringards ou ringardisés.
    Autre bonne nouvelle : Grâce à Chavez, on comprend enfin le mot d’Héraclite : mortels immortels... Puisque les morts ne sont pas forcément morts, ni les vivants forcément vivants.
    Pas de travail de deuil donc... ce sont les survivants qui sont à pleurer !

    Personne

  • Pour qui n’aurait pas compris pour qui roulent nos """élites""" """démocratiques"""...

  • okok chicos , c’est un bel entretient avec le president , mais la realite sur le terrain est bien differente et effrayante , bien sur aujiurd’hui il existe une stabilite politique qui represente le vrai changement en equateur , que dire du developpement economique social et touristique de ce pays ! un alignement sans concession sur nos standarts . En ce qui concerne la diversite des cultures paysannes et indigenes tout est parti au muse , et cela en a peine 5 annees , plus rien dans les rues des cultures vivantes , maintenant tout le developpement du pays est sur le modele occidental , USA EUROPE , les chinois font les routes et les voitures se vendent , meme les ventes de maisons de merde sur plan ont fait leur apparition , les voitures parfois elles sont plus grosses que les maisons , meme si ce president est le meilleur depuis des lustres et qu’il a tenu tete au FMI et autres saloperies , il est social democrate pure et dure , il represente la gauche de droite et il offre au peuple le mirage de ce putain de modele de developpement qui nous bouffe la vie ici en europe depuis des decenies mais a la latino. Por favor , meme si ca nous fait plaisir a nous europeen de dire , l’amerique latine est l’exemple des luttes anti imperialiste , ils sont dans la confusion identitaire la plus totale ,les pires sont les Argentins , le Chiliens et les Bresileins , pour le grand malheur des autres pays du continent , je vous adore pour autant vous faite un vrai bon boulot de journaliste , on se rencontre quand vous voulez , y viva el nuevo tonto PAPA frita !!!!!!!!! hasta ptunto compañeros . Guillaume de francia

  • Çà change du blablaba "moi, président de la république" !

  • "Ecce Homo" ! Enfin ! Un homme ! qui voit clair : il refuse que la presse soit gérée par des géants industriels et autres ! La majorité des actions dans leurs mains est illégale ! Cela donne un public bien informé, les vérités sont révélées ! Voila pourquoi suffit de voir Google , toute la 1ère feuille de recherches est polluée de discours anti-Correa ! Bientôt on nous annoncera que c’est un pédophyle, un corrompu, un violeur de petites filles , bref, TOUT ! pour salire ! Quelques une colleront hélas ! et c’est gagné pour eux ! Ainsi va la vie de nos jours ! Intox à gogo !
    Bravo Rafael ! I’m proud of you !!

  • il faudrait que Pierre Carles garde l’extrait (disparu dans le premier jet de la vidéo) dans lequel on entend l’aveu d’Anne Elisabeth Quin (Arte 28’’) qui avoue, sans se moucher, face à Corine Billard, qu’elle néglige l’expérience Correa dans son émission de pseudo service publique, parce que, selon elle, Merkel n’apprécie pas le président de l’équateur (le prétexte étant l’affaire Snowden dont elle traite par ailleurs dans cette même émission — Grosse incohérence là aussi).

    Une sorte de double mensonge suspect.

  • Je suis tombé sur l’interviewe de d’Anne Élisabeth Quinn , par Corinne Billard, dans laquelle la présentatrice d’Arte trouve l’excuse bidon, ou pire, coupable, qu’elle ne parle pas trop de l’Équateur et de son Président, parce que ça ne plairait pas à Merkel et que comme la chaine est Franco Allemande et que l’Équateur protège Snowden (dit E Quinn) elle évite donc de parler de ce qui se passe de bien là-bas.