Patrick Lehingue : "Un univers qui se referme sur lui-même"

par François Ruffin 20/04/2017 paru dans le Fakir n°(54 ) mars-avril 2012

On a besoin de vous

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Depuis plus de trente ans, Patrick Lehingue, professeur de science politique, analyse les scrutins. Et il vient de publier un livre sur « Le Vote ». Mais vous ne le verrez pas sur les plateaux de télé, discuter du dernier sondage au milieu des Roland Cayrol, Pascal Perrineau, Stéphane Rozès, etc. Leur glose sert plus souvent à masquer le monde social, qu’à le découvrir…

[*Entretien réalisé le 9 janvier 2012*]

Fakir : Vous faites un bouquin sur le vote, vous avez consacré l’essentiel de votre carrière à analyser les scrutins, et pourtant, vous dites que le vote, ça n’est pas si important que ça. Dès la première page, vous vous en prenez – je cite – à la « survalorisation du rite électoral, souvent présenté par les protagonistes du moment comme absolument crucial – ‘du vote de chacun dépend l’avenir de tous’ – alors même qu’il laisse, sauf rarissimes exceptions, si peu d’empreintes dans les mémoires collectives »

Patrick Lehingue : En tout cas, le vote n’a pas l’importance que lui confèrent la majorité des journalistes, des sondeurs, des hommes politiques…
On a ici une forme « d’idiotisme de métier » : parce que certains politologues ont fait profession de décrypter « le mystère des urnes », ils s’imaginent que, à leur image, tout le monde se passionne pour les élections, que le moment électoral constitue la substantifique moelle, le summum de la démocratie.
Mais dans la vie des gens, c’est un geste plutôt banal qui engage sans doute moins qu’on ne le dit. On avait mené une enquête à Amiens : un an à peine après une élection législative, la grande majorité des gens ne se souvenaient plus pour qui ils avaient voté : 67 % avaient oublié leur choix de l’année d’avant.
Mais ça n’empêche pas les commentateurs autorisés de sanctifier cet instant, de poser comme équation « élection = démocratie ». Malgré l’exemple d’Athènes, pourtant regardé comme le berceau de la Démocratie (voir encadré)…

Les classes populaires : qui les représente ?

Fakir : Y a ce tableau, dans votre bouquin. Absolument stupéfiant : les employés – qui constituent près de 30 % de la population active – comptent pour 1,3 % des députés ! C’est pire encore pour les ouvriers : ils forment 25 % des actifs, mais seulement 0,5 % de l’Assemblée ! Et l’inverse pour les professions supérieures : 15 % du pays, mais 83 % des parlementaires – 96 % dans le groupe UMP !

Patrick Lehingue : Oui, pour la représentation des classes populaires, la France est revenue au niveau de 1885…
Pour lutter contre cette pente, pour que la démocratie ne se mue pas en aristocratie élective, il avait fallu le passage – bien souvent – par un apprentissage syndical, puis des passerelles vers la politique. Le pic est atteint à la Libération : les classes populaires obtiennent 20 % des sièges, notamment grâce au Parti communiste – qui rassemble 50 des 65 députés ouvriers. On stagne aux alentours de 10 % dans les années 60, 70, et enfin cette représentation populaire disparaît. A cause, évidemment, de l’affaiblissement du PC, mais aussi parce que le PS connaît un déracinement populaire.

Fakir : Même chez les dirigeants du PC, aujourd’hui, on ne voit pas tellement de prolétaires. À sa tête, il y a un fils de sénateur, qui a fait une carrière – sans méchanceté, mais c’est le mot – d’apparatchik : il a dirigé le mouvement des étudiants du Parti, puis le journal du Parti, avant de gouverner le Parti lui-même.

Patrick Lehingue : C’est emblématique, en effet. Parce que le plus frappant, ces dernières années, c’est la montée en puissance, justement, des professionnels de la politique : les attachés parlementaires, les chefs de cabinet, les conseillers en communication, etc. représentent 14 % de députés – alors qu’ils sont évidemment 0,0001 % dans la population.
C’est-à-dire qu’on a un univers politique qui, loin de représenter les fractures sociales d’une société, a acquis sa pleine autonomie, et se referme sur lui-même…

Fakir : Et même à Amiens. Qu’on enlève, dans le conseil municipal, les profs et les anciens permanents, il ne reste plus grand-monde, à gauche, sur les bancs. D’ailleurs, pendant l’élection à la mairie, ils n’ont pas osé indiquer les professions sur les prospectus – tellement c’était que ça.

Patrick Lehingue : Oui, ce qu’on aperçoit de façon caricaturale au sommet, se retrouve, mais atténué, aux échelons du dessous. C’est une coupure nette avec le monde social. Et ça a forcément des conséquences. Par exemple, je me demande si la promotion d’un Gremetz serait encore possible.
D’autant que les instruments qui permettaient ces trajectoires ont été supprimés.
Pour moi, le PC a perdu sa spécificité – et a accéléré son déclin – avec la fermeture des écoles du Parti, à l’époque de Robert Hue. C’était quoi, ces écoles ? C’était la possibilité, pour des ouvriers ayant arrêté leurs études, pour cause d’échec scolaire ou plus souvent parce que leurs parents ne pouvaient pas suivre financièrement, d’avoir une seconde chance, d’acquérir une culture politique, de manier l’argumentation, bref, de lutter à armes égales avec leurs adversaires, les classes dominantes.

Voter, ça ne sert à rien ?

Fakir : Moi, je suis plutôt partisan de voter, d’utiliser tous les instruments à notre disposition.
D’accord, on n’aime pas les règles du jeu : la personnalisation, les présidentielles avant les législatives, etc. On peut souhaiter en changer : avec le mandat impératif, le droit de révoquer son député, etc. Mais si on ne joue pas, on laisse les autres pleinement maîtres du jeu.

Patrick Lehingue : Je suis entièrement d’accord avec vous. La question est de ne pas accorder au vote une sorte de monopole dans l’expression de convictions. D’autant plus que la dimension « expressive » du vote est faible. Un grand journaliste américain, Walter Lippman, le soulignait dès 1927 : « Mais qu’est-ce en vérité qu’une élection ? L’expression de la volonté populaire, dit-on. Vraiment ? Nous entrons dans un isoloir, et sur un bout de papier, nous traçons une croix devant un, deux, peut-être trois ou quatre noms. Avons-nous pour autant exprimé ce que nous pensions de la politique des États-Unis ? Nous avons sans doute quelques idées sur la question, avec beaucoup de ‘mais’, de ‘si’, et de ‘ou’. Cette croix sur un bout de papier n’en dit évidemment rien. Il nous faudrait des heures pour exprimer nos idées : qualifier un bulletin de vote d’‘expression de notre opinion’ n’est qu’une fiction vide de sens. »
D’ailleurs, la législation électorale conforte cette pauvreté expressive. Les bulletins où les électeurs se livrent à des explications, même juste par quelques mots, sont juridiquement « nuls ». C’est un joli paradoxe : tout se passe comme si, dans l’ordre électoral, les « voix », pour compter et être entendues, devaient rester muettes !

Fakir : Et pourtant, plus je lisais votre bouquin, comme quoi « on élit toujours des bourgeois », « ça ne change pas la vie », et votre sympathie pour les abstentionnistes, plus j’en venais, à mon tour, à penser « à quoi bon ? »

Patrick Lehingue : Quand tu écris un bouquin comme ça, tu l’écris aussi pour réagir contre des commentaires qui t’agacent prodigieusement. À les écouter, la seule question qui vaille, c’est « qui va gagner ? », « qui sera en tête à l’issue du premier tour ? », « qui sera le troisième homme » (ou femme…) ? La véritable politique (la discussion sur les bilans, les promesses – tenues ou pas – , la vision du monde que l’on désire, les programmes et propositions pour s’en approcher, la hiérarchie des questions les plus importants à résoudre…) cède le pas au spectacle d’une course de chevaux. Le jeu l’emporte sur les enjeux.
Alors, la sympathie pour les abstentionnistes, là n’est pas le souci ! ils existent, c’est tout . Et ils sont nombreux : pas seulement les 20 à 50% d’abstentionnistes (selon les scrutins) , mais aussi – d’après l’INSEE – les 10 % de non-inscrits. Ils sont socialement « typés » : 16 % des chômeurs, 16 % des emplois précaires ne figurent même pas sur les listes électorales – contre 4 % des cadres…
Or, ils sont effacés par les sondeurs, rarement évoqués par les éditorialistes, bref oubliés. Eh bien mon petit rôle, c’est de les signaler : attention, ils existent aussi. Et ils ont des raisons que la Raison Politologique trop souvent ignore…

Fakir : Mais par exemple, ce matin, je reçois par Internet une affiche d’Albert Libertad : « la grève des électeurs, abstenez-vous !, votez blanc… Sinon, c’est comme choisir son boucher. »

Patrick Lehingue : Un courant anarchiste, assez original, s’est développé depuis 1848, depuis le suffrage universel, et il attaque le vote comme insignifiant. Mais c’est souvent habité par un sentiment aristocratique, un certain élitisme, se voir et se vouloir comme en dehors voire au-dessus de « la masse » : « Nous n’appartenons pas au troupeau, ne sommes pas des moutons ! », ou dans une version moderne, qu’avait repris Sartre qui n’a jamais voté de sa vie, « élections, piège à cons ».
C’est sans doute très gratifiant comme posture, mais on oublie alors que les candidats ajustent leurs programmes, puis leurs politiques, sur les intérêts des électeurs qui iront effectivement voter. On a beaucoup d’études là-dessus aux Etats-Unis : les « segments sociaux » les plus abstentionnistes – les immigrés, les jeunes, les chômeurs – sont aussi les plus sacrifiés…

Fakir : C’est un vrai angle mort de votre livre, un manque important. Comment les élections peuvent compter, quand même, malgré tout – même si elles bouleversent rarement l’ordre.

Patrick Lehingue : Surtout, le vote n’a pour moi aucune essence. Selon les époques, selon les moments historiques, il peut être décisif ou marginal, individuel ou collectif, émancipateur ou conservateur, subversif ou conformiste, destiné à diviser ou à rassembler, etc. Il est tout cela parfois tout ça en même temps.

Fakir : Bon, pour la réédition, faudra rajouter un chapitre là-dessus. Sinon, on en arrive à un truc de désabusés, ça participe à la résignation. Et on n’a franchement pas besoin de ça…

À gauche : comment retrouver le peuple ?

Fakir : J’en viens à LA question : pourquoi la gauche de gauche peine à décoller – et en particulier dans les classes populaires ?

Patrick Lehingue : Déjà, ça n’a jamais été naturel et acquis que les ouvriers votent pour des représentants du mouvement ouvrier. Ça supposait tout un travail syndical, politique, de mobilisation de l’usine jusqu’au domicile.
Or, on a assisté, non pas à une disparition, mais à une dispersion des classes populaires. Une dispersion du travail, avec la casse des grandes entreprises, mais aussi une dispersion géographique.
Si tu prends les corons miniers de ma petite enfance, les gens vivent là où ils travaillent. Il y a une continuité de l’existence, qui rend le travail politique plus simple : pour les mineurs, ne pas voter pour ces gens-là, qui sont au milieu d’eux, qu’ils fréquentent au bistro, à la ducasse, c’est trahir le groupe auquel ils appartiennent tous les jours.
Et puis, tu avais quand même un travail d’encadrement sur le terrain qui, de fait, n’existe plus : sur Amiens, ancien bastion communiste, combien reste t’il de sections locales ? dans les entreprises ? travaillant dans des quartiers populaires ?

Fakir : Zéro. Ce matin, Mélenchon présentait ses vœux et il déclare, en gros, « pour la campagne, on va s’appuyer sur les syndicats à la base ». Bien. Sauf qu’il s’appuie sur un tissu extrêmement troué…

Patrick Lehingue : C’est un facteur lourd. Le taux de syndicalisation, on le sait, est ridiculement bas en France, il avoisine les 6 %. Dans le privé, pour les deux tiers des entreprises, il n’y a rien du tout…
Du coup, pour l’instant, Mélenchon a gardé une partie des milieux populaires les plus politisés, et il ne retrouve pas les autres – qui sont de loin les plus nombreux.

Fakir : Là, dans le sondage paru ce matin, le premier motif que donnent les gens de voter Marine Le Pen, c’est le mécontentement.

Patrick Lehingue : Et c’est vrai que, auparavant, pour marquer son mécontentement, on votait communiste. C’est un terreau "naturel" que la gauche de gauche a perdu.
Il y a cet entretien, avec une travailleuse, en Bretagne, dans les années 60, que je reproduis dans mon livre et qui, il me semble, dit beaucoup, simplement beaucoup. Je te le lis : « On est neutre et on pense quand même… Je sais pas, moi, on est ouvrier alors on cherche le parti, là où l’ouvrier est défendu le plus… Je ne peux pas, je ne peux pas vous expliquer, on est pour celui qui est pour l’ouvrier, voilà… On est communiste, enfin, on a une tendance, peut-être, mais sans vraiment, sans politique, sans faire de la politique… »
C’est très joli, ce que dit cette ouvrière. Ça résume, en quatre phrases, le drame du rapport de la gauche critique aux milieux populaires : naturel dans les années 60, ce raisonnement semble complètement saugrenu aujourd’hui. Ce côté inné : « On ne fait pas de politique, mais on est communiste »
En même temps, le vote FN, reste beaucoup moins ancré. Jamais dans mes entretiens je n’ai entendu : « Je vote pour l’ouvrier, donc je vote Le Pen. »
Il y a plutôt comme une homologie : « J’occupe une position marginale dans l’espace social et je me reconnais dans une personne qui occupe une position marginale dans l’espace politique. » Je me sens méprisé, je vote pour l’homme – ou la femme – politique qu’on présente comme le plus méprisable.

Ouvriers et intellos : quelle jonction ?

Fakir : Ça me fait penser à autre chose. Antoine, un copain de Fakir, me racontait que, tous les ans, son grand-père, pas plus militant que ça, participait à un concours de pêche, à Abbeville, organisé par le Parti Communiste. Ça veut dire que l’encadrement, là, il n’est pas seulement par les syndicats…

Patrick Lehingue : Et même, c’est d’abord d’autres choses : le plus réussi passe par des associations réputées non partisanes. Que la politique se mêle à la vie commune…

Fakir : Par exemple, le Téléthon. Le réflexe, dans notre milieu, chez les intellos de gauche, c’est : « Ah c’est nul, du caritatif, l’étalage de la misère… » Alors que c’est, surtout, un immense élan de générosité.
Dans chaque bourg, t’as des épreuves, avec les pompiers, le club de cyclisme, les mamans qui cuisinent une choucroute. Et je me demande si les militants des années 70, à la place de snober, ils n’auraient pas été, naturellement, parmi ces gens.
Et comme je ne suis pas à une digression près, ça m’amène au dernier bouquin théorique qui m’a vraiment fait avancer, j’ai trouvé, c’est La Pensée politique de Gramsci. Ce dirigeant du Parti communiste italien tente, même à gros traits, une analyse de classe de la société italienne des années 20.
Et il parie, pour contrer le fascisme, sur une jonction entre ouvriers du Nord et paysans du Sud – que ses camarades militants doivent tout faire pour advenir.
Alors, aujourd’hui, en France, où est l’analyse de classes, pas seulement du vote ?

Patrick Lehingue : C’est difficile. Le paysage social est sans doute plus compliqué, l’espace social plus fractionné. Les identités, les manières qu’a chacun de se définir, de se distinguer, sont probablement moins professionnelles qu’il y a trente ans. Auparavant, par exemple, à la question « Qu’est-ce qu’il est ? », on répondait automatiquement en donnant le métier de la personne.
Désormais, même les « cartes d’identité professionnelle » sont plus complexes : il y a une individualisation des taches, des primes, une fragmentation des horaires et des statuts, CDI ou CDD/intérim, privé ou public, dans une PME ou une multinationale, diplômés ou pas. Du coup, juste un métier, ça caractérise de moins en moins les individus… On ne peut plus se contenter de la bourgeoisie contre le prolétariat….

Fakir : Et pourtant, y a des votes où prolétariat contre bourgeoisie, ça fonctionne. Regarde le référendum sur le Traité Constitutionnel européen : tous les médias, tous les patrons du CAC 40, tous les partis de gouvernement sont pour le « oui », 80 % des ouvriers optent pour le « non » ! Contre une minorité, seulement 44 % des cadres.

Patrick Lehingue : C’était un scrutin particulier – avec un choix binaire simple, qui renvoyait à des enjeux clairs, clivants, avec des retraductions possibles dans la vie personnelle de chacun.

Fakir : Mais il me semble que, du temps de Marx, déjà, on aurait pu dire « oui mais il y a les petits ateliers et les grands, ceux situés à la campagne ou en ville, etc. »

Patrick Lehingue : C’est juste. Le monde des ouvriers n’était pas homogène. Il l’est encore moins maintenant…

Fakir : La différence, il me semble, c’est que Gramsci n’était pas seulement un universitaire, voire pas du tout. Mais un intellectuel organique, qui acceptait donc de prendre des gros blocs, d’y aller à la truelle, qui ne se souciait pas de la reconnaissance de ses pairs académiques, du moment que ses outils de compréhension pouvaient agir sur le réel. Donc, je vais faire mon intellectuel organique… mon souci, c’est que je n’ai pas d’organe !
À mon sens, il faut parier – c’est-à-dire mettre tous nos efforts – sur une union de classe entre la petite bourgeoisie intellectuelle (qui se précarise, qui n’a plus sa place assurée dans l’éducation, dans la presse, dans les agences de com’, etc.) et les ouvriers (qui, eux, se sont déjà mangés la mondialisation en pleine face).
Seule, aucune de ces deux classes n’aura la force, l’énergie pour bouleverser l’ordre des choses. Et même, j’ajouterais : rien de beau ne s’est fait, dans notre histoire, ni 1789 ni 1793, ni 1936 ni 1968, sans cette alliance de classes. Maintenant, c’est pas gagné. Ces deux mondes-là, aujourd’hui, se tournent le dos, ne se fréquentent pas ou plus.
Il y a une méfiance réciproque, un mépris même : le « beauf raciste et macho » d’un côté, le « beau parleur aux mains blanches » de l’autre…

Patrick Lehingue : Ce spectre nous menace, vous avez raison. On peut en arriver à une coupure, très instrumentalisée, comme aux États-Unis : les intellectuels démocrates de la côte Est – dénoncés comme des richards, des privilégiés, des dépravés culturels voire sexuels… C’est la manière dont nombre de cols bleus envisagent les progressistes, après vingt ans de propagande républicaine.
Ce processus d’anti-intellectualisme et de détachement nous pend au nez : que les intellectuels soient vus comme des parasites, des favorisés, ce que pour partie ils sont d’ailleurs. Pour la délocalisation, ou les licenciements économiques, jusqu’ici, ils n’ont rien à craindre.
M’enfin bon, les gamins qui viennent d’avoir leur CAPES, qui sont envoyés sans formation enseigner dans trois lycées différents à 600 kilomètres la veille au soir, on ne va pas les décrire comme des nantis non plus.

Fakir : Alors, que faire ? Par où on commence ?

Patrick Lehingue : Je ne suis pas un intellectuel prophétique, je me refuse à l’être. Mais, un exemple : j’ai parlé, tout à l’heure, des écoles du parti, et ça n’est pas par hasard. Entre "profs" et "élèves", c’était un enrichissement mutuel et une remise en cause, comme quoi on tenait des « discours de petits-bourgeois », qu’on n’était « pas clair ».
C’était à la fois formidable et improbable, cette jonction – comme tu dis –, ce côtoiement régulier, organisé, entre ouvriers et intellos, et ce type d’occasions est devenu rarissime. Les deux mondes se regardent comme des étrangers.
Il me semble que c’est une clé : que les partis ouvriers réapprennent un mode d’éducation permanente, la formation d’une aristocratie ouvrière…

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Tirer les élus au sort (et leurs interviouveurs aussi)

Les Grecs, c’est le « berceau de la démocratie ». Et pourtant, rappelle Patrick Lehingue dans son livre, eux-mêmes se méfiaient du vote…

« La fraction dite ‘démocratique’ considérait au contraire que cette technologie sociale devait absolument rester subsidiaire. C’étaient, à l’inverse, et durant deux siècles, les vieilles familles nobles d’Athènes qui plaidaient pour la généralisation de l’élection à l’ensemble des charges de magistrats.
Leur notoriété, leur fortune, leur réseau d’obligés semblent alors suffisants pour que la désignation élective leur assure un quasi-monopole de représentation. Sur quelques 1200 postes de
‘magistrats’ disponibles, à peine une centaine étaient pourvus par voie élective, les autres étant tirés au sort, procédure considérée alors comme la plus radicalement égalitaire.

Système absurde ? L’argument est souvent avancé par les ‘aristocrates’ partisans de la généralisation de l’élection et sera repris plus tard par les premiers hellénistes… Mais le mandat était à la fois unique (on ne pouvait occuper deux fonctions en même temps) ; très court (un an) ; révocable (procédures de mise en accusation en cours de fonction) ; non immédiatement renouvelable ; autant de clauses dont on conçoit à peine qu’elles puissent être mises en œuvre de nos jours.
À travers ces dispositifs, tout semble avoir été conçu pour conjurer l’apparition des formes ultérieures de spécialisation politique, de division du travail entre amateurs et professionnels et, partant, de dépossession des premiers au bénéfice des seconds.

Par le tirage au sort, chacun est donc amené à occuper, même temporairement, une responsabilité politique. De fait, Moses Finley a pu calculer que, parmi les 30 000 à 60 000 citoyens âgés de plus de 30 ans, un sur deux serait, au cours de sa vie, au moins une fois membre de la Boulé (la magistrature la plus haute).
Et il écrit :
‘Athènes fournit donc un exemple valable de coexistence réussie entre direction politique et participation populaire sans cette apathie et cette ignorance dont parlent les experts en opinion publique, ni non plus ce spectre de l’extrémisme qui hante les théoriciens élitistes’.
Et un autre, Bertrand Manin renchérit :
‘Les démocrates avaient l’intuition que, pour des raisons obscures, l’élection n’assurait pas la même égalité.’ »

Plus que jamais, cette réflexion s’avère pertinente :
Parmi les candidats à la présidentielle, tous – sauf Philippe Poutou (NPA) – détiennent au minimum un bac +3 (contre 11,8 % des Français). Les classes supérieures monopolisent 90 % des sièges de députés - contre 15 % dans la population. Et inversement : les 62,5 % de citoyens « populaires » sont représentés par 1,3 % de parlementaires.
C’est encore pire côté journalistes, sondeurs, experts : sur les plateaux télés, les anciens camarades de Sciences-Po discutent entre eux. Et on aimerait qu’ils affichent à l’écran leurs revenus : sans doute sont-ils à l’égal du peuple à qui, si souvent, ils réclament en chœur des sacrifices…)]

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À LIRE

  • Le Vote, de Patrick Lehingue, éditions La Découverte (23 €). En toute franchise, on a trouvé la première partie très intéressante, interrogeant cette « technologie sociale » souvent perçue comme une évidence. La deuxième partie, en revanche, est davantage destinée à des étudiants en science politique (et on a pas mal décroché).
  • La Pensée politique de Gramsci, de Jean-Marc Piotte, éditions Lux (Montréal). D’autant plus passionnant, pour nous, qu’il interroge le rôle de l’intellectuel.

Et Patrick Lehingue recommande :

  • Le livre d’où est extrait l’entretien avec la Bretonne qui « ne fait pas de politique, mais communiste » : Classe, religion et comportement politique, Paris, Editions Sociales / Presses de la FNSP (1977).
  • Sur les écoles du Parti : Nathalie Ethuin, « De l’idéologisation de l’engagement communiste. Fragments d’une enquête sur les écoles du PCF (1970-1990) », Politix, volume 16, n°63, troisième trimestre 2003, pp. 145-168.
    Et aussi :
  • « La formation des communistes des années 20 à aujourd’hui », cédérom dirigé par Genevee, Martelli, Vigreux et Wolikow, Le communisme en France, État de Veille, décembre 2000.
    )]

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Messages

  • Je m’ attendais à un article expliquant les résultats du dernier vote ,et franchement je ne suis pas déçu .
    Merci pour ces clés de réflexions que je m’ empresse de communiquer à ceux qui en ont besoin :)

  • Salut les derviches !

    L’article de Politix sur les écoles du parti est dispo en libre accès ici : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_2003_num_16_63_1296

    Ce serait utile aux lecteurs que vous ajoutiez ce lien à côté de l’article en question. Comme ça, c’est nous qu’on va gagner en approfondissement.

    TchO.

  • juste une petite question. Lorsque vous citez Bertrand Manin, peut-être faites vous allusion à Bernard Manin et son livre que je recommande : principes du gouvernement représentatif ?

  • Bref, il y a, avant tout militantisme électoral, un immense (et enthousiasmant) travail à faire pour reconstruire l’éducation populaire.

  • Merci pour le lien Momo

  • "Moi, je suis plutôt partisan de voter, d’utiliser tous les instruments à notre disposition.
    D’accord, on n’aime pas les règles du jeu : la personnalisation, les présidentielles avant les législatives, etc. On peut souhaiter en changer : avec le mandat impératif, le droit de révoquer son député, etc. Mais si on ne joue pas, on laisse les autres pleinement maîtres du jeu."

    François, je suis très souvent d’accord avec toi, mais pas sur ce point.
    A mon sens tu fais une bonne analyse, mais quand tu joues avec un tricheur, tu continues à jouer et à perdre, ou tu te retires de la table après éventuellement avoir filé un bourrepif au tricheur ?
    Je respecte ton point de vue, et je ne dis pas que j’ai raison mais il me semble que l’abstention est la meilleure solution pour combattre le système.
    On me dit parfois, "tu ne votes pas, tu ne viendras pas te plaindre ensuite" et pourtant je pense qu’au contraire je suis mieux placé pour me plaindre, râler,et manifester mon mécontentement.
    Celui qui vote accepte le système et les règles du jeu et donc si il est mis en minorité doit se soumettre à la volonté de la majorité.
    Je refuse de rentrer dans ce jeu là.
    Depuis le référendum de 2005, je me suis fait violence pour voter contre Sarkozy, j’ai ensuite voté aux élections municipales, uniquement parce que j’habitais dans une commune de 200 votants, que je connaissais personnellement la majorité des candidats et que ça ressemble de ce fait à une démocratie directe.
    Depuis j’ai déménagé dans une grosse ville, je me suis empressé de m’inscrire sur les listes électorales car je me considère citoyen, tout en pressentant que je ne me déplacerais pas pour voter.
    Je suis persuadé que le changement ne passera pas par les urnes.
    Mais je reconnais un mérite à cette élection, celle d’avoir pouvoir fait entendre pendant la campagne des voix que l’on n’entend pas autrement...

  • Ce manque des classes populaires dans le personnel politique se fera encore sentir bien longtemps. Malgré toutes ses qualités, la campagne Mélenchon n’a pas réussi aussi bien que nous aurions pu l’espérer. Le yéti a mis le doigt sur une erreur : http://yetiblog.org/index.php?post/L-erreur-de-Jean-Luc-Mélenchon

    Avec toute la sympathie que nous avons pour Mélenchon et son entourage, on peut aussi montrer d’autres lacunes comme sur le logement, un problème infernal pour dix millions de personnes selon la Fondation Abbé Pierre pour le mal-logement. Mais ces dix millions-là ne sont malheureusement pas dans les premiers cercles des partis du FdG : militer, ça coûte cher. La question du logement n’a pas eu la place qu’elle aurait occupé si un précaire parisien ou une RSAste expérimentée avait figuré dans le cercle rapproché de notre candidat.

    http://partageux.blogspot.com

  • Merci, on a ajouté le lien.

    themouseland : c’est effectivement le livre cité par Lehingue.

  • merci pour cette ITW.
    Je suis tout à fait d’accord avec la perspective d’une alliance de classe entre la petite bourgeoisie intellectuelle (au demeurant de plus en plus précarisée, dans l’éducation nationale comme dans la recherche) et la classe ouvrière (avec tout ce que ça implique en termes de difficulté de définition) : pour info, Jacques Bidet mène une réflexion dans ce sens depuis une vingtaine d’année dans une perspective qu’on pourrait dire gramscienne : il distingue au sein de la classe dominante les propriétaires des moyens de production, ou de parties du capital (actionnaires) et les "dirigeants et compétents" (qui recoupe aussi bien les managers que les profs, pour faire vite), à cette classe dominante s’oppose ce qu’il appelle une "classe fondamentale", qui compte la majorité de la population, de l’ouvrier, employé, au petit commerçant. Une possibilité révolutionnaire s’ouvrant selon Bidet à l’occasion d’une alliance entre dirigeants et compétents et classe fondamentale, susceptibles de construire une véritable hégémonie à l’échelle de la société.

  • bonjour

    en complément de cette analyse ,il me semble qu’un point important n’est pas abordé et qui pourrait bien être une des raisons de la très faible représentation des classes populaires .je veux parler de la rémunération des élus ,non pas pendant le temps de leur mandat car quelque soit le système retenu ,élection ou tirage au sort ?Nous pouvons penser que la rémunération serait satisfaisante . Mais parlons de l’après mandat ,un seul mandat non renouvelable ,d’une durée d’environ 5 années ou moins peut importe .quel serait la personne active non fonctionnaire ou assimilé ,non profession libérale ,qui serait en mesure de quitter son activité pendant plusieurs années avec la possibilité de réintégrer cette activité sans dommage pour lui ou l’activité ?
    je n’ai à ce jour jamais pris connaissance de propositions concrètes permettant de faire sauter cet obstacle qui pour nombre d’entre nous est rédhibitoire !

  • Bonjour et pardon pour le pinaillage...mais :

    96% des 83% de parlementaires cadre supérieur à l’UMP ça fait un peu beaucoup de députés UMP non ?

  • La lecture de l’article de Nathalie Ethuin (merci à Momo pour le lien) peut nous faire comprendre la dimension de tout ce qui a été perdu lors du sabordage de son propre patrimoine opéré par le PCF ces dernières années.
    La reconquête ne pourra pas s’accomplir à l’aide de quelques symboles puisés dans l’attirail républicain décalé face aux problématiques sociales que nous connaissons aujourd’hui.

  • Excellente interview, comme souvent dans Fakir. Toutefois je ne peux m’empêcher de me demander pourquoi, alors que vous semblez clairement d’accord sur le fait qu’on gagnerait à avoir plus de représentants issus du monde ouvrier plutôt que des "pro de la politique" issus des milieux aisés, vous soutenez tellement Mélenchon (qui niveau pro de la politique se pose un peu là) et si peu le NPA qui a été le seul à proposer des candidats issus du "peuple" (un facteur et un ouvrier c’est quand même plus en accord avec nos idées qu’un sénateur depuis 25 ans non ?).
    Bon après je l’aime bien méluche hein, mais je trouve le NPA plus cohérent.

  • Peut on encore parler de proletariat ? Ou commence t il et ou s arrete t il ? Un bac +5 bossant chez macdo est un bourgeois ou un proletaire ? Essayez de vous classer vous même...Etes vous prolo, paysan, petit bourgeois, bourgeois Difficile non ? Je crois que dans le sens ou l entendait marx , ces classes ont disparue. Qu en est il de la non classe des non travailleurs ?
    Il reste tout de même un tiers d ouvriers en France mais beaucoup ne se sentent pas identifiés a la classe ouvrière, surtout les jeunes.

    Merci a fakir en tout cas.

  • génial ! merci Fakir ! Pas convaincu par contre sur le revival des écoles centrales, qui ont formé aussi bcp de stals, fils d’ouvriers ou pas, qui ont tué de l’intérieur le Parti qui les a fait ce qu’ils sont.

    Les aristocraties ouvrières existent tjs, suffit de voir les directions des grosses fédés de la CGT.

    Ce qu’il faut, ce sont des écoles libres et populaires dans les maisons des associations, mjc, etc. sur le modèle des écoles centrales mais sans "moule" communiste

    + une réforme simultanée des filières squatées par la bourgeoisie : suppression de Sciences Po et des IEP, remplacés par des facultés, monopole public sur les écoles de gestion/commerce (et fermeture de HEC sans indemnisation de la CCI), passerelles entreprises/écoles d’ingé sous contrôle des syndicats salariés, etc.

    + loi sur la presse restaurant les exigences du pg du CNR, car c’est l’un des piliers de la propagande capitaliste contre laquelle les "intellectuels" ne peuvent rien faire avec leurs bons mots

  • Yeah ! Enfin du tirage au sort dans mon canard préféré.

    A quand un dossier complet ? :)

  • personnellement, je serais pour une désignation de représentants au tirage au sort (on désigne bien les jurés d’assise de cette manière). l’assemblée serait donc plus conforme à la population. Ce serait bien pour une constituante avec un seul mandat court. Pour la suite il faudrait veiller à ne pas faire un métier de "politique".et la votation (suisse pourrait également intervenir pour trancher les grandes questions. Il me semble que nous voilà à la fin d’un cycle de (fausse) démocratie.

  • EXTRA ! Quand on lit ce que l’on ressent depuis plusieurs années exprimé aussi clairement, ça fait un bien fou !
    Quel dommage que le 2O Heures ou des émissions de grande écoute ne permettent pas d’entendre ce type de points de vue décapants et salutaires !
    J’ajoute que j’ai un niveau de formation élévé (Bac +5) et ai travaillé dans la Fonction Publique d’Etat.

  • C’est rare que je lise un article jusqu’au bout sur le net.... Super, ça met par écris ce que je pense depuis des années. Merci

  • " Le taux de syndicalisation, on le sait, est ridiculement bas en France, il avoisine les 6 %." ... Bon, quand on veut tenir un discours scientifique, on commence par faire attention aux chiffres et aux instruments de mesure qui les donnent. Quand un thermomètre dit "20°C" on a le droit de dire que la mesure est entachée d’une incertitude de +/- 2°C par exemple mais on n’a pas le droit de dire "la température avoisine 18°C" car, à vrai dire, on ne sait pas si elle est de 18 ou 22°C.

    En l’occurrence, sur le taux de syndicalisation en France, le thermomètre n’a jamais affiché 6% (minimum 8% voir http://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=UN_DEN&Lang=fr évidemment il faut arrondir les chiffres car la précision à 0,1% près en la matière est totalement illusoire) et un autre thermomètre dit 11% (voir http://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/etudes-et-syntheses/dares-analyses-dares-indicateurs-dares-resultats/article/la-syndicalisation-en-france)

    Pas besoin de tordre la réalité pour faire une démonstration.

  • Merci , il faut arrêter avec le fantasme ouvriers, je ne crois pas qu’ils vont participer à cette révolution, depuis 20 ans nous perdons tout les combats, les medias nous séparent avec l’aide des membres du PS, en bobo qui aurait tout les défaut même celui de payer des impôts , et les ouvriers, ils oublient tout le temps les bourgeois profiteurs et mafieux. Les intellos, bien que leurs études aient été payé par ceux qui n’en font pas, ont oubliés de rendre ces bontés, par la transmission de l’éducation, par l’analyse du réel. Quand j’ai entendu Todd en 2012 qui a humilié JLM, pas du tout soutenu E Joly, et a mis toutes ses forces a faire voter Hollande avec Mediapart , je me suis sentie trahie, alors que l’analyse de la bourgeoisie Hollandienne était devant nous, que ces intellos, qui mangent bien , n’est même pas pensé 2 minutes aux femmes (nous avons les plus bas salaires ET on met au monde et éduquent la POPULATION ), aux enfants , aux vielles (qui sont qq fois obligés de rester avec leur mari, sinon elles sont sans assez de revenus pour vivre .., c’est ça les femmes agés , superbe avenir). Donc pour les intellos virer NS étaient tellement prioritaire que penser aux autres ne les a meme pas effleurés.
    http://www.communcommune.com/2016/05/entretien-avec-xavier-mathieu-je-ne-crois-pas-que-le-changement-de-societe-se-fera-sans-violence.html?utm_source=_ob_share&utm_medium=_ob_facebook&utm_campaign=_ob_sharebar

  • Vieux ( j’ai 70 ans) et passionnant débat, le vote !
    juste quelques remarques perso
    1-comment s’appelle un pays où le droit de vote n’existe pas ?
    2- à Athènes 90% de la population n’avait pas accès au vote, notamment les femmes et les esclaves (qui étaient les "acteurs" économiques de base). Ceci relativise le caractère démocratique du régime.
    3- en france, en tout cas au niveau communal, il est possible de suivre de près les décisions du maire et du conseil municipal, voire de se faire entendre, mais ce n’est pas simple, cela prend du temps et demande de se familiariser avec des tonnes de textes !!
    amitiés