Patrons Debout

par Valéry Chartier 24/01/2017

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Après l’élection présidentielle de 2012, Valéry Chartier a fait un rêve : que la "gauche de gouvernement" soit de gauche, résolument décomplexée.
C’est de l’humour, bien sûr, et on jubile de l’outrance.
Mais cette parodie est aussi à prendre au sérieux : elle nous révèle, en creux, tout ce que "la gauche" n’a pas été, tout ce qu’elle pourrait être demain. A sa manière, cette satire rouvre le chemin de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, qu’on publie en intégralité dans un nouveau livre : "La gauche décomplexée".

« Des vieux debout toute la nuit ? On risque plus l’épidémie de phlébite que le recul du gouvernement ! » Alors que la France d’en haut se mobilise contre la loi El Khomri, François Hollande s’est montré inflexible. Il ne cédera pas à la rue et à un « quarteron d’actionnaires incontinents ». Il compte bien mener à bout sa réforme du coût du capital. « Les Français n’en peuvent plus de travailler pour payer les dividendes d’une bande d’assistés ! » Et de promettre. « J’inverserai la courbe de la bourse. »

[*Nuit Voyou*]
Paris, le 3 mars 2016

« Au moins à la messe ils peuvent s’assoir de temps en temps. » C’est avec sarcasme que Manuel Valls a réagi à la mobilisation patronale Patron Debout. « C’est pas les CRS qu’il faut envoyer, c’est le Samu. » Pourtant Pierre Gattaz croit en son initiative. « On était un peu lassé de répéter toujours les mêmes actions : plans sociaux, harcèlement, fraude fiscale. Il fallait trouver un nouveau souffle. »

Ainsi est né Patron Debout. « On occupe un espace public, non pas pour le privatiser et le vendre, mais pour se réunir et discuter. » Et inventer le mouvement ultralibéral de demain. « Les idées fourmillent, c’est formidable. On a déjà commandé les pin’s ‘1 million de licenciements c’est possible !’ » Avec, en ligne de mire, la convergence des luttes. « Actionnaires, patrons, exilés fiscaux, même combat. »

A l’origine de la contestation, la loi El Khomri, et la politique gouvernementale de baisse du coût du capital, qui plonge dans « la précarité » toute une génération d’entrepreneurs. « Imaginez l’angoisse du patron qui ne sait s’il pourra faire le plein de son jet en fin de mois. »

[*Nuit fiscale*]
Place la Bourse, Paris, le 31 mars 2016

« Ca me rappelle la nuit du Fouquet’s, et le combat pour le bouclier fiscal. » Avec l’occupation de la Bourse, Nicolas de la Verge, retraité, retrouve une seconde vieillesse. Et le goût des slogans malicieux. « Après les bonnets rouges, les Panama ! »

Car même si la loi El Khomri est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase capitaliste, c’est bien la « tyrannie fiscale » qui est sur toutes les lèvres. Pour les indignés de la Bourse, la suppression de l’ISF est la mère de toutes les batailles. Celle qui peut mobiliser au-delà du périphérique, « à Neuilly, Levallois et tous ces ghettos de riches où la colère gronde ».

« Si on assèche le trafic de dividendes dans ces quartiers, on risque une explosion de violence. Les vieux vont se mettre à licencier, à délocaliser à l’aveugle. »

[*Nuit béton*]
Notre-Dame-Des-Landes le 1er avril 2016

« Hollande, si tu savais, l’écologie, où on te la met ! » Aucune hésitation pour ces milliers de petits porteurs venus soutenir Vinci dans ce combat ô combien symbolique. « Nous ne voulons pas de la loi El Khomri et de son monde. Nous voulons des aéroports, des autoroutes et la 4G. » Un combat de « civilisation » pour Jean-Eudes, trader dans une filiale panaméenne de la Société générale. « Faire du vélo et chier dans la sciure, c’est pas comme ça que je voyais le futur. »

A Notre-Dame-Des-Landes, Patron Debout s’est transformé en Béton Debout, et chacun met la main au ciment pour faire avancer les travaux. « En général, ce sont les ouvriers qui sont clandestins, ici c’est le chantier. » Et les vieux actionnaires sont déterminés. « Nous partirons quand les avions décolleront. »

Car il s’agit de défendre l’écosystème capitaliste. « Avec le réchauffement social, les traders et les actionnaires ont fui vers le nord, l’Angleterre ou la Belgique. » C’est le triste constat de Bernard, qui est venu résister « au socialisme intensif ». « C’est bien beau la marche forcée vers le progrès social, mais derrière chaque nationalisation, ce sont des espèces entières d’actionnaires qui disparaissent. »
« Nos profits valent plus que vos vies. » Pour Gontran, nostalgique des eighties (chemise Vichy, raie sur le côté, pin’s Thatcher), il y a urgence à sauver le chef d’entreprise, « une espèce clairement menacée ». « Le conseil d’administration brûle et nous regardons ailleurs » s’insurge Pierre-Antoine. « Acquis sociaux, normes environnementales, c’est l’emballement général. Comment expliquer à mes enfants que nous leur avons légué un monde sans patrons ? » Le chaos.

[*Nuit Pour Tous*]
Versailles, le 02 avril 2016

« Ca me rappelle mes années chez les Louveteaux, les attouchements en moins. » A Versailles, c’est toute une communauté qui s’est mobilisée à la sortie de la messe. Et la jonction s’est faite entre la ‘Manif Pour Tous’ et les organisations patronales autour d’un slogan. « Sauvons les bébés plutôt que les salariés ! »

Entre deux Notre Père, Marie-Chantale se dit effarée par la barbarie du gouvernement. « Si les pédés peuvent se marier et les salariés être augmentés, quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? »

[*Je Vaux Mieux Que ça*]
Paris, le 12 avril 2016

« Mes grands-parents avaient de l’emprunt russe. Et moi je suis actionnaire Eurotunnel depuis 1987. » Les témoignages de capitalistes en souffrance envahissent la toile et le #JeVauxMieuxQueça devient le leitmotiv de toute une génération. Ainsi, Carlos Ghosn casse le mythe du patron heureux à grands coups de réalité. « Voilà dix ans que je cumule deux emplois, un chez Renault l’autre chez Nissan, pour avoir un salaire décent ! Les chômeurs se plaignent mais y a des jours où moi aussi j’aimerais glandouiller devant la télé en mangeant des chips. »

« Après avoir vu le film, j’ai pris trois douches. Je me sentais souillé, violé. » Bernard Arnault, président de LVMH, est sorti traumatisé de l’expérience Merci Patron ! Racketté par un journaliste « quasi-demeuré » (François Ruffin, le Francis Heaulme des salles de rédaction), il avoue ne plus savoir s’il sera « encore capable d’accorder sa confiance ». Et envisage l’exil fiscal pour se reconstruire. « Une année sans impôts, ça vaut une thalasso ! »

[*Et maintenant ?*]
Paris, le 18 avril 2016

« J’ai pas fait HEC et un MBA à Boston pour passer mes nuits debout comme un ouvrier aux 3x8. » Alors que le risque d’essoufflement du mouvement est bien réel, les patrons cherchent à donner un second souffle à la mobilisation. « On a plutôt l’habitude de casser les grèves... »

C’est de la commission BTP qu’est venue la solution. « L’idée était d’utiliser les ingrédients qui font la réussite du secteur, et notamment les salariés détachés » explique Martin Bouygues. Ainsi, un millier de Bulgares ont débarqué samedi soir pour prendre le relais de patrons fatigués. « On aurait eu tort de se priver, pour quelques yaourts ils font plus de bruit que nous ! Et ils supportent mieux les coups de matraque. »

Pierre Gattaz se félicite de cette internationalisation du conflit. Et promet de nouvelles surprises. « Rien ne sera plus comme avant. Nous ne serons plus jamais les esclaves de nos salariés ! »

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