La France tourne Kazakh
par 14/11/2016 paru dans le Fakir n°(76) juillet-août 2016
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Ancien des services secrets, Marc nous avait mis sur la piste en citant le Kazakhstan. Après de menues recherches, c’est une vraie histoire d’amour que racontent ces photos. Une passion explosive, pas du tout vénale, entre « le pays des droits de l’Homme » et le président à vie des steppes…
C’est Marc, militaire de carrière, ancien du service action de la DGSE, nos services secrets à l’étranger, qui nous racontait ça, cet hiver : « Moi je me suis engagé pour le pays, par idéalisme, de droite, mais un idéalisme, et je suis devenu conscient des enjeux réels. Regarde Areva, la lutte anti-terroriste doit, en fait, faciliter la préservation ou la future implantation des mines. Les ambassades sont devenues des centres commerciaux avec du démarchage pour Engie, pour Total, pour Bouygues. » Et de citer plein de pays, le Niger évidemment, l’Arabie saoudite, la Mongolie, et aussi le Kazakhstan. Ça nous a rappelé une collection de photos qui traînait dans un coin de nos ordis et qui nous avait amusés…
[*La FRANCE*]
[**16 septembre 1993- 15 novembre 1995*]
Les prémices
En 1993, François Mitterrand est le premier chef d’État occidental à se rendre au Kazakhstan indépendant pour rencontrer le président Noursoultan Nazerbaïev, en poste depuis 1990 et jusqu’à aujourd’hui encore. Par amour de la démocratie, le président français lui prêtera son conseiller Jacques Attali pour rédiger la constitution du pays.
Lui succédant à l’Élysée, Jacques Chirac rencontre lui aussi Nazerbaïev. L’année suivante, pour exploiter l’uranium kazakh, Kazatomprom et Areva créent leur première filiale commune.
[**6 juin 2008*]
Le premier coucou
C’est avec Nicolas Sarkozy que l’histoire s’accélère. Avec, d’abord, la signature d’un « accord stratégique de partenariat ». La production d’uranium par Areva triplera en quelques années.
[**6 octobre 2009*]
Visite de politesse
Le Kazakh était venu en France ? Le minimum de courtoisie, c’était de lui rendre sa visite. Et c’est fait sans traîner, dès l’année suivante. Dans ses valises, Sarkozy emmène Anne Lauvergeon, alors PDG d’Areva. Avec son homologue de Kazatomprom, elle signe un accord pour la création de la coentreprise IFASTAR. Un transfert de technologie pour produire du combustible nucléaire, à destination du marché asiatique.
[**27 septembre 2010*]
L’amitié ça s’entretient
À Paris, un accord est signé pour la création d’une nouvelle filiale, chargée de produire 400 tonnes de combustible par an. Et le président‑dictateur est invité au « Dîner de l’Atlantique », pour rencontrer les grands patrons français, Anne Lauvergeon (Areva), Christophe de Margerie (Total), Patrick Kron (Alstom), Gérard Mestrallet (GDF Suez).
[**19 octobre 2011*]
Une petite surprise
Cette fois, la rencontre n’est pas inscrite à l’agenda officiel du
président français, elle est annoncée le jour même à la presse. S’ensuit un accord pour une nouvelle ligne de production de combustible nucléaire, supervisé par Éric Besson.
[*AREVA tourne Kazakh*]
[** 21 novembre 2012*]
Le changement, pas maintenant
Les têtes changent, mais dans la continuité : première rencontre entre François Hollande et Noursoultan Nazarbaïev. Le dictateur en profitera pour saluer son ami Jacques Attali, qui a rédigé une constitution du pays sur mesure en 1993, et lui proposera de devenir son conseiller.
[**20 septembre 2013*]
Les doublures
Pour la première année depuis un bail, pas de rencontre au sommet ! Juste une visite du Premier ministre Serik Akhmetov à son homologue Jean‑Marc Ayrault. Est-ce qu’il y aurait un froid entre nos deux pays ?
[**5 et 6 décembre 2014*]
Cadeau diplomatique
Ouf, on s’inquiétait pour rien : François Hollande revient d’Astana avec des contrats dans la chapka…
[**5 novembre 2015*]
Retard à l’allumage
Une nouvelle mine devrait ouvrir, mais les dirigeants kazakhs ne veulent plus exporter des matières premières. Ils réclament, comme convenu, de les transformer sur place, d’enrichir l’uranium chez eux. Mais Areva ralentit ce projet d’usine : déjà à la peine, la multinationale française ne tient pas à voir émerger un concurrent. L’ambassade de France annonce un début de production pour 2018…
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Sous Sarkozy et Hollande, il y a eu huit rencontres en neuf ans entre les présidents français et kazakh. Mais est-ce vraiment exceptionnel ?, on s’est demandé.
Réponse : oui.
C’est deux fois plus d’égards que pour les Indiens, les Turcs, les Brésiliens. Autant de pays dont le poids, démographique, économique, politique, est légèrement supérieur à celui du Kazakhstan...
Mais pourquoi toutes ces visites, alors ? Pour démontrer l’attachement éternel de la France à la liberté et aux Droits de l’Homme, que nous défendons à travers le monde ? Certes, Noursoultan Nazarbaïev, « le père fondateur du Kazakhstan à l’instar de George Washington aux Etats-Unis » (dixit son Premier ministre), dirige sa nation d’une main de maître depuis plus de vingt-cinq ans maintenant. Certes, dans les urnes, il est plébiscité par son peuple avec plus de 90 % des voix, « un score incompréhensible du point de vue occidental », concède le même Premier ministre, mais tout à fait banal pour le « George Washington » des steppes.
Certes, il arrive que, une poignée de semaines avant les élections, on assiste à des « suicides » d’opposants.
Certes, les médias indépendants sont fermés, les journalistes menacés, les manifestants poursuivis, les tortures généralisées dans les prisons, d’après Amnesty et d’autres farfouilleurs. Certes.
Certes.
Mais justement : n’est-il pas d’autant plus nécessaire d’entretenir un dialogue constructif ? Car – qui en douterait ? – si de grands démocrates comme Hollande ou Sarkozy se rendent au Kazakhstan, c’est pour lui insuffler ces valeurs qui font notre fierté…
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