Bonus DVD : Mon Jérémie, le commissaire, Bernard et moi

par François Ruffin 17/09/2016

On a besoin de vous

Le journal fakir est un journal papier, en vente dans tous les bons kiosques près de chez vous. Il ne peut réaliser des reportages que parce qu’il est acheté ou parce qu’on y est abonné !

Merci Patron !, c’est pas qu’un film, c’est aussi un canular épistolaire. La lettre qui déclenche tout, d’abord, et puis toutes les autres qu’envoie notre Jérémie au Commissaire. On en a fait un recueil, joint au DVD. Extraits.

Merci patron ! et son scénario improvisé m’ont offert l’occasion d’un étrange mélange entre réel et fiction. D’abord, grâce à ce personnage si improbable, si romanesque, sorti du chapeau de LVMH : le Commissaire. C’est comme s’il s’offrait en partenaire de jeu, comme s’il fallait que je lui donne la réplique avec le même talent.
D’où l’invention de mon Jérémie.
« IE ».
À distinguer du vrai Jérémy.
« Y ».

Jérémie Klur Cambrai, mardi 24 décembre 2013

Monsieur Bernard Arnault, Monsieur le Commissaire, Monsieur Jamet,

Je m’adresse à vous trois car vous êtes plusieurs apparemment à vous occuper de notre dossier. Jamais on n’aurait pensé qu’une petite famille du Nord puisse intéresser autant de gens importants.
[...]

Je souhaite commencer par ça : merci pour tout, même si après je vais vous dire des vérités moins jolies parce que je les ai sur le cœur (c’est jamais drôle quand on voit sa mère pleurer) et que Monsieur le Commissaire m’a conseillé de vous écrire une lettre où je vous raconte tout très simplement. Vous m’excuserez pour le style (mes fautes en principe j’en fais pas trop et ma copine les corrige, elle travaille dans un bureau).

Pour comprendre la trahison qu’on a ressentie.
À toutes ses visites, à tous ses appels même, Monsieur le Commissaire insistait bien à chaque fois, « c’est secret », « c’est confidentiel », « pas un mot à vos voisins », etc. Mes parents ont tout fait pour tenir leur langue. C’est pas forcément facile parce qu’on habite un petit village où ça jase comme dans tous les petits villages, et quand on remplit la cuve de mazout, quand on revient avec le coffre rempli de courses, quand on va plus demander des œufs ou du lait gratuit à la ferme, eh bien les gens se posent des questions. Surtout que nos visages ils ont changé, Papa et Maman ont retrouvé le sourire, c’est plus les mêmes avant et après vos chèques, d’un coup ils se sont détendus, c’est terrible vous savez d’avoir peur de perdre sa maison, tous les jours on vivait dans cette peur, une transformation telle après que forcément les frères et les sœurs ils le voient aux repas de famille, d’autant qu’on arrête de demander 10 € à l’un, 20 € à l’autre, etc. (Je sens que je m’embrouille.)
Donc Papa Maman ont continué de jouer les pauvres, mais quand ils ont changé leur poêle le mois dernier (l’autre était cassé), ou même un détail comme le papier-peint de la cuisine qu’ils ont refait, ou encore qu’il faisait chaud chez nous alors qu’avant on gelait, ou qu’ils allumaient toutes les lumières, des détails bêtes quoi mais les gens pouvaient pas croire qu’ils étaient endettés encore, surtout que Maman a jamais su mentir. C’est comme ça, Maman quand elle ment, elle devient toute rouge. Donc ils pouvaient plus nier qu’ils avaient touché de l’argent. On a fait comme Monsieur le Commissaire il a dit, on a parlé d’un héritage, mais comment ça se fait que les oncles et tantes étaient pas au courant alors ? ça tenait pas debout et ça a jasé pire. On a causé du Loto où on aurait décroché pas le gros lot mais de quoi mais c’était abracadabrant, ça tenait pas debout, et Maman rougissait. Mais on a tout fait, de notre mieux du moins, pour respecter le secret comme promis, même si on parlait dans le village de sommes affolantes, de 100 000 € à un million qu’on aurait gagnés...
[...]


Jérémie Klur Lisieux, le 6 mars 2014

Monsieur le Commissaire,

Par où commencer Monsieur le Commissaire avec tous les ennuis qui me sont arrivés depuis jeudi et ma vie qui est complètement bouleversée ?
Votre conseil d’envoyer des lettres anonymes sur les relations supposées de Ruffin et de Marie-Hélène, ça a été pire que tout, ça a déclenché la catastrophe.
[...]

J’ai tout perdu j’ai l’impression et j’ai l’impression que c’est pas une impression ma copine qu’on avait des projets ensemble mes copains dans le coin ma famille même un peu parce que plus jamais je pourrai vivre là-bas dans ma région c’est comme si on m’avait marqué au fer rouge, ou que je m’étais marqué tout seul faut pas mettre ma bêtise sur le dos des autres. C’est pas seulement la peur, c’est la honte. Ils sont tous ouvriers Papa Maman Marie-Hélène toutes leurs copines on a vécu ensemble au coude à coude, même s’il y a les agitateurs avec eux pourquoi j’avais besoin de vous raconter tout ça sur leurs actions moi ? Pourquoi j’avais besoin d’envoyer les lettres anonymes vraiment dégueulasses pleines d’insinuations comme vous m’avez conseillé ? C’est même pas pour l’argent comme ils croient mais pourquoi alors par amitié pour vous pour vous être utile pour faire mon intéressant auprès de vous pour vous plaire et parce que vous m’avez fait miroiter un autre monde, un CDI pour Papa d’abord (qu’il a eu, merci, j’oublie pas), gendarme pour moi, ou des études payées à la fac, ou un joli poste dans le champagne et c’était comme une carotte pour un âne que je suis mais surtout je cherchais votre estime. Les Fakirs ils disent « manipulé », ils disent qu’ils m’en veulent pas forcément à moi, que « c’est LVMH qui m’a manipulé », « manipulé » je sais pas mais c’est sûr que cette histoire m’a transformé et je me suis même pas rendu compte comment elle me transformait c’est que maintenant que je réalise. [...]

Voir en ligne : À retrouver en intégralité dans le DVD

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