Aux morts pour le profit

par Valéry Chartier 19/03/2019

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« Il était temps de rendre hommage aux millions de victimes de la guerre économique qui ont renoncé à leurs acquis sociaux pour mener la France à la victoire ! »
Alors qu’Emmanuel Macron entame son itinérance financière sur les lieux des grandes victoires patronales, il a tenu à tirer les leçons du passé.

Le tour de France des plans de licenciement

« Quand, comme en 1906 à Courrières, on est capable de sacrifier 1500 ouvriers coincés dans la mine pour sauver la production de charbon, on a le droit de trouver indécents ceux qui se plaignent de leur retraite, non ? à l’époque on savait mourir pour son pays ! » Alors qu’il se recueillait devant les grands charniers de la production minière, Emmanuel Macron a salué la mémoire de ces millions d’ouvriers morts, licenciés ou exploités pour « sauver une certaine idée de la France : les profits ». Sidérurgie, métallurgie, textile, agriculture… Aucun secteur n’a été épargné et tous ont fourni leurs bataillons de « tondus ». L’énumération donne le tournis, longue litanie de monuments aux morts pour le Profit. « Les centaines de victimes des coups de grisou !, s’est enthousiasmé le Président. Ceux de Saint‑Eloy, ceux de Fougières, les 41 orphelins du Pas‑de‑Calais en 1965, ceux de Liévin… Le Port de Metz et son silo à poussière… Les trois mille victimes qui meurent chaque année de l’amiante, et cent mille prévues pour 2050… Et demain, ce seront les bataillons héroïques du glyphosate qui sortiront de l’ombre à leur place… » Sans oublier les cohortes de licenciés, de délocalisés… « Usinor à Thionville ou les Chantiers de Dunkerque hier, les Continental et les Whirlpool aujourd’hui, dont le sacrifice me tient à coeur, vous le savez… Parce que la croissance, elle tombe pas du ciel. Heureusement qu’on a eu ces Français capables de faire don de leur corps pour la patrie. »
Emmanuel Macron n’entend pas pour autant occulter les pages sombres de cette histoire. « Nous n’oublions pas non plus que l’unité nationale a parfois été mise à mal ». Et le Président de rappeler les mutineries qui ont émaillé la Grande Guerre. « Oui il y a eu des révoltes ouvrières, des manifestations quand certains de nos concitoyens ont succombé aux sirènes du populisme.
Et il a fallu les réprimer, parfois dans le sang !
 » L’occasion pour le Président de rappeler les dangers « du nationalisme, du protectionnisme qui consistent à ne s’intéresser qu’à ses acquis sociaux en sacrifiant le bien commun, les profits de nos entreprises ! »
Même s’il exalte le courage des combattants français, Emmanuel Macron n’oublie pas que, seule, la France n’est rien. « Je voudrais saluer ici solennellement le courage des fonds de pension américains, venus libérer notre économie et l’initier à la mondialisation. »

La tombe du banquier inconnu

« On a aussi le droit de s’extasier devant la beauté d’un plan social. » L’hommage aux tondus tombés pour le CAC ne doit pas occulter « le génie du patronat français » selon le Président. La victoire n’aurait pas été possible sans les stratégies innovantes de nos « premiers de cordée ». Esclavage, licenciements, restructurations, démantèlements : la France n’a jamais manqué d’imagination quand il s’est agi de défendre ses valeurs face aux assauts du socialisme.
C’est dans ce souci de reconnaissance que le Président a décidé d’installer la « tombe du banquier inconnu » sous l’arche de la Défense, au coeur de la City française. Et d’y prononcer un discours émouvant. « Permettez‑moi de parler d’un monde que je connais bien et qui me tient à coeur : la finance. Ne nous y trompons pas, la France ne serait rien sans le courage de ses banquiers, ces héros de l’ombre dont l’humilité les pousse à fuir la reconnaissance. » Et le Président de s’appuyer, dessinant un pont entre les époques, sur l’exemple de la banque UBS, « qu’on veut aujourd’hui punir pour blanchiment aggravé de fraude fiscale, pour quelques dizaines de milliards d’euros protégés, mais qui sera célébrée, demain, j’en suis certain, comme visionnaire : ce sont eux qui nous ont montré la voie. »

Le combat continue

« Nous ne sommes pas à l’abri. » Face à la montée des populismes, Emmanuel Macron a tenu à mettre en garde les Français contre « la tentation du progrès social, cette utopie dévastatrice qui détruit les bénéfices et menace notre mode de vie ». Alors que la guerre est toujours là, latente, le Président veut profiter des célébrations pour redonner aux jeunes générations le goût de l’effort. « Ce n’est pas parce qu’on va à l’école jusqu’à 25 ans qu’on doit rêver de salaires de ministres. » Mais le chef de l’état a tenu à rassurer les Français. « La France ne sera pas à la traîne dans sa course à la compétitivité. » Avec une arme de dissuasion massive : l’ubérisation. « La principale faiblesse de notre modèle c’est le salariat ! » Trop rigide, trop contraignant. « Les travailleurs pauvres, c’est bien, mais ça fait un peu trop ligne Maginot. » Le gouvernement entend par ailleurs remettre les « vieux au travail » grâce à la retraite par points. « En temps de guerre, on a besoin de tout le monde pour produire de la richesse. On est plus utile à l’usine que devant Questions pour un champion ! »

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