Pourquoi Fakir s’enrage

par L’équipe de Fakir 29/03/2008

On a besoin de vous

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Quelques chiffres d’abord.
Où va l’argent de la Ville et de la Métropole ?
Très grands travaux...
Espace de la gare : 17 000 000 euros
Parking îlot de la Boucherie : 16 334 776 euros
Intérieur de l’Hôtel de Ville : 4 500 000 euros
Sommet de la Tour Perret : 2 700 000 euros

...et tout petits budgets
Crèches (sur trois ans) : 2 488 685 euros
Mission Handicap - Accessibilité : 165 000 euros
Aide au logement social 2007 : 450 000 euros
Aides de secours du CCAS : 85 130 euros...

Ça nous chatouille, oui. Ça nous gratouille même carrément.

Jusqu’ici, Ch’Fakir ne se mouillait pas dans les campagnes électorales. On observait l’agitation de loin, en rigolant. Avant les municipales de 2001, par exemple, on titrait en Une : « De Robien réélu haut l’Amiens !? » (avec un point d’interrogation au cas où). Impartial, comme d’habitude, on notait : « Des bibliothèques rénovées à la place Gambetta, du Nautilus au Coliséum, de la Maison de la Culture au Parc Saint-Pierre, Amiens a pas mal changé et pas changé qu’en mal. (...) Reste à notre maire, pour son troisième mandat, à trouver le goût (et le temps) de la proximité. Après les grands projets urbanistiques, vient l’heure des petites choses. Après le regard visionnaire d’un Jules Verne qui bouleverse sa ville, l’oreille attentive d’un élu proche des hommes. »

Sept ans plus tard, malheureusement, rien n’a changé : Gilles de Robien délaisse toujours les envies, les besoins des habitants, ces « petites choses » qui font nos vies et multiplie comme jamais « les grands projets urbanistiques » (la gare aujourd’hui, la ZAC la Vallée demain, la Hotoie après-demain, etc.). Autant en 2001, naïfs sans doute, nous attendions encore que notre maire modifie ses priorités, autant aujourd’hui le contraire est prouvé : hors de l’architecture, Gilles de Robien ne connaît point de salut. Il s’est enfermé dans son obsession de bâtisseur comme un rat dans sa cage : plus les années passent, plus les bétonnières tournent vite. Plus le système se resserre. Comme un noeud coulant, qui nous asphyxie.

Quelques chiffres donnent le tournis. Et en disent long sur les priorités.

A grand renfort de com’, l’équipe municipale prétend offrir « la Ville aux enfants ». Pourtant, en trois ans, la mairie a consacré moins de 3 millions d’euros pour « la création et la réhabilitation de crèches ». Alors que le « parking Îlot de la Boucherie », à lui seul, coûtait cinq fois plus : 16 millions d’euros !

Pour « l’aide au logement social », en 2007, seuls 450 000€ furent débloqués. Ceci, alors que 6 000 demandes de HLM sont « en attente » à l’OPAC. Et alors que, pour la verrière de la gare, on trouve 7 millions d’euros, soit quinze fois plus, dans les caisses (qui ne sont donc pas vides). Les sans-logis sauront toujours où passer les nuits pluvieuses...

On peut décliner ces comparaisons à l’infini : pour la Mission Handicap, 165 000€. Contre 4,5 millions d’euros, oui, 27 fois plus, pour installer un escalier dans l’Hôtel de Ville et rénover la salle des délibérations. Les fauteuils roulants passeront après le confort des élus...

Sans sombrer dans l’ « assistanat », comment accepter, humainement, qu’on débourse 3 millions d’euros pour la vidéosurveillance, 4 millions d’euros pour ramasser les crottes des caniches sur les trottoirs (opération « Ma Ville, je l’aime propre »), et seulement 85 130€, soit quarante fois moins, pour les secours d’urgence au CCAS ? Quel est le sens, alors, de la cité que l’on construit ?

Le robiénisme (appelons ça comme ça) est un anti-humanisme.

On ne le qualifie pas de « fasciste », non, surtout pas : sous n’importe quel régime un peu sévère, les rédacteurs de Fakir seraient étranglés dans une geôle du Beffroi depuis belle lurette. Les dessinateurs cyclistes auraient connu de malheureux accidents de la circulation avec des camionnettes siglées « Fiers d’être amiénois ! ». Les abonnés seraient fichés, et recevraient dans leur boîte à lettres du Rollot bien fait (c’est pire que l’anthrax). Nous avons exercé, nous, assez librement notre droit de critique. Ses sbires, certes, Roger Mézin, Maître Pouillot et compagnie nous ont causé de menus tracas judiciaires. Mais dans l’ensemble, il faut lui rendre cet hommage : Gilles de Robien a toléré notre existence. On a même obtenu des salles pour nos débats. Et jamais la police municipale ne nous a passé les menottes lors d’une vente à la criée.

Surtout pas « fasciste » donc, ni d’autres insultes. Mais « anti-humanisme », nous maintenons fermement, tant sa politique exclut l’homme, réduit le « vivre ensemble » à des grues, des bulldozers, du béton. Et c’est oppressant, à la fin, de réduire notre destin commun à du bitume, notre âme à du goudron, notre flamme à des soudures. Le ciment n’est pas le propre de l’homme.

Comment allumer l’envie dans le coeur d’un gosse paumé ? Cette question ne se pose pas à Amiens. Comment redonner de la joie à une vieille veuve ? Cette question ne se pose pas à Amiens. Comment offrir un nouveau départ à la femme séparée, isolée ? Cette question ne se pose pas à Amiens. Pourtant, il est du rôle d’un maire de les poser. Et d’y répondre à sa mesure, sans prétendre tout résoudre : par la formation à faciliter, par la vie associative à stimuler, par le logement à offrir, par les maisons de retraite à insérer dans la ville, etc.

Aucun complot derrière le « système Robien ».

Nous ne livrerons, dans ce numéro, aucune révélation fracassante sur des hommes de l’ombre qui, derrière le maire, règleraient les basses oeuvres et s’enrichiraient en coulisse. Au contraire : ce « système » repose, d’abord, sur l’hyper-visibilité.

C’est le principe qui guide toute son action : l’image. Et c’est pour cette raison, sans doute, qu’il investit tant dans la pierre : quoi de plus visible qu’un bâtiment ? Alors, pour apporter la santé, il planifie un « pôle hospitalier ». Pour palier les difficultés des handicapés, il inaugure une « Maison du Handicap ». Pour l’Emploi et la Formation, une « Maison de l’Emploi et de la Formation ». Pour la Culture, il refait la vitrine de notre « Maison de la Culture », et projette un « Zénith ». Gilles de Robien est habité d’une pensée magique : comme s’il suffisait de créer un lieu pour que le problème soit résolu...

Car peu importe, ensuite, les hommes qui l’animent. Peu importe, pourvu que ce soient des fidèles. Voilà le second principe du « système Robien » : la police municipale, la culture, le social, etc., sont délégués à des barons dont la compétence, les réussites comptent moins que la fidélité. Et derrière ces grands chefs s’étend une vaste précarité - troisième pilier du « système » : les animateurs-vacataires des cantines, les ex-animateurs-emplois-jeunes dans l’informatique, les animateurs-CAE des hospices, etc.
Cette précarité des salariés rend les initiatives municipales précaires. Quand leurs contrats aidés se terminent, les services disparaissent avec eux – et les compétences vont mourir dans la file de l’ANPE. C’est ainsi que les ateliers multimédias se sont évanouis, et les activités pour les vieux, et les après-midis sportifs pour les gamins. « Et alors ? » semble répondre la Ville. Du moment qu’au lancement du projet, on a pu répandre une plaquette en papier glacé et publier un article dans le JDA, et avoir un reportage sur France 3. Mais après la com’, que reste-t-il ? Hors rénovation urbaine, quel apport laissera-t-il à Amiens – en matière de transport, d’environnement, de soins aux enfants, aux jeunes, aux anciens ?

Hyper-visibilité, fidélité, précarité : voilà qui explique le maigre bilan de notre maire.

Nous en sommes désormais convaincus.

De Robien est arrivé au bout de sa logique, au bout de ce qu’il pouvait apporter à Amiens, et l’avenir avec lui ne s’annonce que comme une répétition du passé. Qu’on lui accorde un mandat supplémentaire, et notre ville demeurera un chantier à ciel ouvert et Bouygues, Colas, etc., récolteront des appels d’offres comme jamais.

On lui reconnaîtra le courage de l’action. En espérant que son successeur sera pourvu de la même volonté, du même désir de transformer, mais dans d’autres domaines. Et dans une autre direction.


(exclusivité édition électronique)

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