Macron : porte-parole des Sanofi ?

par Cyril Pocréaux, François Ruffin 11/10/2017 paru dans le Fakir n°(82) Date de parution : septembre octobre 2017

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14 mai 2017. À l’Élysée, c’est la passation de pouvoir entre François Hollande et Emmanuel Macron. Dans l’assistance, le jeune président aperçoit un visage connu.

C’est Serge Weinberg, le PDG de Sanofi. Macron fend la foule, s’en va lui serrer la main. Car c’est un vieil ami, à qui il doit tant. Retour sur cette histoire d’amour...

2007. Rapporteur de la Commission Attali « pour la libération de la croissance », Emmanuel Macron, jeune inspecteur des Finances, fréquente alors les patrons de Nestlé, du Crédit agricole, de Essilor, etc. Et Serge Weinberg, aujourd’hui PDG de Sanofi, qui lui conseille de s’enrichir avant d’entrer en politique.

2008. Grâce à Serge Weinberg, il part pantoufler comme banquier d’affaires chez Rothschild & Cie. En charge de fusions-acquisitions, il gère des deals, entre autres, pour Sofiprotéol, pour Nestlé ou pour Lagardère. Et fait fortune. 2015. Pour Cash investigations, Elise Lucet s’en va interroger le ministre de l’Économie d’alors sur Sanofi et le Crédit impôt recherche.

Elise Lucet : Pour 2013, par exemple, c’est 125 millions d’euros pour Sanofi...
Emmanuel Macron : Oui.
Elise Lucet : Il y a un Crédit d’impôt recherche, qui est versé à un groupe, et qui a supprimé des postes où ? Dans la recherche ! Alors ça, franchement, c’est assez incompréhensible...

Le ministre, lui, ça ne le choque pas, cet usage des deniers publics :

Emmanuel Macron : Si on n’avait pas ce Crédit d’impôt recherche plébiscité par toutes les entreprises, petites et grandes, Sanofi aurait mis depuis des années toute sa recherche, et sans doute même ses quartiers généraux, hors de France.
Elise Lucet : Mais pourquoi ne pas dire ‘‘l’État vous donne de l’argent sous forme de crédit impôt recherche, ne supprimez pas d’emplois dans la recherche’’ ?

Un raisonnement trop simple pour sa pensée complexe.

2016. Lancé dans la course à l’Elysée, Emmanuel Macron reçoit le soutien, implicite ou explicite, de nombreux patrons, dont des patrons de presse : Vincent Bolloré, Bernard Arnault, Arnaud Lagardère... et bien sûr Serge Weinberg.

8 janvier 2017, Nevers. Alors que Mélenchon et Hamon, mais aussi Asselineau, Lassalle, Poutou, etc., veulent « mettre fin à la rente des labos », Emmanuel Macron leur déclare sa flamme. Il affirme ne pas vouloir « sacrifier l’industrie pharmaceutique pour essayer de faire des économies sur son dos ». Et estime qu’il « faut payer les médicaments au juste prix quand il y a derrière des innovations, quand il y a des investissements pour avoir une grande industrie pharmaceutique  ».

7 mars 2017, Paris. C’était son « conseiller santé » : le médecin Jean‑Jacques Mourad oeuvrait en même temps pour Servier. L’association Formindep a découvert soixante interventions du cardiologue par le laboratoire Servier, plus 80 000 euros de frais de restaurant et de transport. Après ces révélations, il démissionne. À Nevers, Emmanuel Macron avait notamment plaidé pour un meilleur remboursement des médicaments contre l’hypertension artérielle sévère... précisément le domaine de spécialité de Servier ! (Au passage, ajoute Marianne : « Jean-Jacques Mourad est le frère de Bernard Mourad. Cet ancien banquier conseil de l’homme d’affaires Patrick Drahi a rejoint Emmanuel Macron en octobre 2016. Il est devenu l’un des plus proches conseillers du candidat. »)

4 juillet 2017, à l’Assemblée. Discours de politique générale du Premier ministre :
« Des maladies que l’on croyait éradiquées se développent à nouveau sur notre territoire. Des enfants meurent de la rougeole aujourd’hui en France. Dans la patrie de Pasteur ce n’est pas admissible. L’an prochain, les vaccins pour la petite enfance, qui sont unanimement recommandés par les autorités de santé, deviendront obligatoires. »

20 juillet, Vitry. Édouard Philippe, Premier ministre, rend une visite à Serge Weinberg, sur un site de Sanofi. Mais fait original : le chef du gouvernement n’a prévenu ni les syndicats ni les médias, ni les salariés ni les Français.
Cette rencontre s’effectue en catimini, discrète sinon secrète. Elle se déroule, semble-t-il, à l’initiative du « Cercle de l’industrie » : un lobby patronal, qui comprend Areva (dont Édouard Philippe fut lobbyiste), Alstom, L’Oréal, Peugeot, etc., et bien sûr Sanofi.
Que se sont raconté le Premier ministre et le PDG ?
Ont-ils évoqué le Crédit impôt recherche ?
La suppression de trois mille postes de chercheurs ?
Les milliards de dividendes ?
Ou encore le scandale de la Dépakine ?
Ou le sujet du moment : les vaccins ?
Le chef de gouvernement a-t-il évoqué les sujets qui fâchent ?
Interrogé par nos soins, en plein hémicycle, le gouvernement a refusé de répondre.
Qu’il est bon d’avoir, ainsi, un président de la République intègre, dont on a la conviction qu’il ne doit rien à personne, qu’il saura défendre l’intérêt général contre les intérêts particuliers...

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