Les rongeurs des « Jours heureux » : la sécurité sociale

par L’équipe de Fakir 19/10/2016

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Que prévoit le programme du Conseil National de la Résistance ?
« Un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procureur par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État. »
Fakir et La Sociale de Gilles Perret reviennent sur la mise en œuvre de cette arme fatale contre la pauvreté mise en œuvre par la ministre des Travailleurs Ambroise Croizat.

« La Sécurité sociale est devenue pour l’économie une charge considérable. Les salariés ont profité de traitements dont ils n’avaient peut-être pas un besoin certain, la moindre maladie a été le prétexte de repos. L’absentéisme s’est développé. » De quand date cette déclaration ? Du Parisot, à la dernière Université d’été du MEDEF ? Non, c’est la Chambre de Commerce de Paris qui dresse, en 1948, cette équation connue : « Sécu = Paresse ». Le débat sur le « trou de la Sécu », lui non plus, n’est pas né hier : « 34 milliards de déficit en 9 mois » annonce Paris-Presse en 1951 (29/12). Evidemment, « les ‘spécialistes’ du MRP proposent une réforme de structure » (Le Figaro, 31/12/51).
Mais durant un demi-siècle, quasiment, le consensus autour de cet « acquis » tient bon.

[*Les premières brèches*]

Jusqu’en 1986. Jacques Chirac, alors Premier Ministre, se prend pour Ronald Reagan et privatise treize compagnies d’assurances. L’alternance n’apportera pas d’alternative : en 1989, avec la loi Evin, Michel Rocard officialise l’entrée des assureurs privés dans la complémentaire maladie. Mutuelles et syndicats protestent. En vain : les premières brèches sont ouvertes.
L’entreprise de démolition passe alors à la vitesse supérieure : en 1996, Alain Juppé lance son « expérimentation d’un parcours de soins ». Claude Bébéar, le patron d’AXA, s’enthousiasme, et il affiche ses intentions au grand jour : « Il peut y avoir une Sécurité sociale publique, et à côté des Sécurités sociales privées. » Son rêve lui semble presque exaucé… mais le retour des socialistes, l’année suivante, brise net cet élan : Lionel Jospin gèle « l’expérimentation ».

[*Des idées « indépendantes »*]

De son échec, Claude Bébéar tire des leçons : plutôt que l’attaque frontale, mieux vaut avancer masqué. A la tête du premier assureur en Europe, le parrain du capitalisme français a les moyens de convaincre, doucement, gentiment les élites. En 2000, le voilà qui fonde l’Institut Montaigne, un « think tank » bien sûr « indépendant » - c’est-à-dire financé par Areva, Axa, Allianz, BNP Paribas, Bolloré, Bouygues, Dassault, Pfizer, etc., à hauteur de trois millions d’euros par an. Aux côtés des banquiers et des PDG, s’y retrouvent des économistes médiatiques (Nicolas Baverez), des journalistes médiatiques (Philippe Manière)… De quoi faire passer ses « idées » dans le tout-Paris, avec des invitations sur France Inter, LCI. De quoi les faire passer, surtout, pour des idées « indépendantes » - et non pour des intérêts déguisés. Et qu’on devine son cheval de bataille ? « Réinventer l’assurance maladie »…

[*Moins de 50 % remboursés*]

Les gouvernements, à leur tour, avancent masqués. Liquider la Sécu, livrer la santé au privé, voilà qui s’avère impopulaire. Mieux vaut donc la trouer à petits coups. C’est ainsi que Philippe Douste-Blazy la « réforme », en 2004 : hausse du forfait hospitalier, dépassements d’honoraires autorisés, déremboursements de médicaments. Pour la médecine de ville (hors hôpital), moins de 50 % des dépenses sont désormais remboursées par la Sécu.
« Il faut une génération pour changer un système de santé » notait, philosophe, Henri de Castries – le successeur de Claude Bébéar à la tête d’Axa. Bout par bout, on y parvient.

[*Vente à la découpe*]

De Eric Woerth, alors ministre du Budget (Les Echos, 19 novembre 2008) : « Une période de crise n’est pas un bon moment pour remettre en question notre système de santé. Ce serait générer de l’inquiétude. Mais quand les difficultés économiques seront derrière nous, il sera indispensable de reprendre le débat sur les réformes à mener. Vous pouvez compter sur moi pour le ranimer ! Nous allons donner plus de responsabilités aux complémentaires en matière de gestion du risque. » Les assureurs sont rassurés. Ils n’ont pas donné au trésorier de l’UMP pour rien…

[*Sécu : Et alors ?*]

La Sécurité sociale est remplacée par des assurances privées, et alors ? En matière de santé, « depuis quelques années, note Jean Toussaint, de ATD-Quart Monde, une multitude de petites mesures, mises bout à bout, font que la vie est plus dure pour les pauvres. » Ainsi, 30 % des Français ne font plus remplacer leurs dents, pour des raisons financières.

Voir en ligne : La Sociale, un chapitre du dictionnaire des conquêtes sociales

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  • Bonjour, je tombe par hasard sur votre site.
    Etant médecin généraliste à Caluire-et-Cuire (LYON) et venant de la faculté d’Amiens, nous avons quelques points communs.
    Lisant votre article et votre pdf du journal de l’époque, j’aimerai bien savoir quelle serait votre discours face à la réforme TOURAINE qui donne les clés à AXA désormais !

  • [---Ce commentaire n’est pas pour publication---]

    Bonjour Fakir,

    Le lien vers le pdf ne fonctionne pas.

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    D’avance Merci de corriger,
    Francis

  • Mon père, maquisard, qui avait bien connu Marcel Paul et Ambroise Croizat m’a toujours dit : la sécu, ce n’est pas acquis, il vous faudra vous battre pour la conserver, dès que notre génération aura disparu, ils la détruiront...sa prédiction se réalise. La sécu est désormais faite pour faire tourner les labos pharmaceutiques, les soins par médecine alternative, dont l’efficacité est avérée, sont réservés aux nantis, les pauvres, eux doivent avaler des médicaments aux effets secondaires douteux, ne peuvent prétendre aux implants dentaires, etc ... Tout ça était prémédité : Ambroise Croizat, personne ne nous en a jamais parlé à l’école, il n’était même pas cité dans le dictionnaire, l’effacer de la mémoire collective, c’était déjà préparer la mort de la sécu dès sa création, au forceps, imposée en 6 mois par les ministres communistes de De Gaulle...