Les cadres SE REBIFFENT

par Baptiste Lefevre 19/12/2016 paru dans le Fakir n°(76) juillet-août 2016

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Et si on délocalisait les patrons en Inde ? Déjà, le PDG de Capgemini nous coûterait moins cher !

«  On a fait venir des salariés de Cherbourg, Chambéry, Toulouse, Montpellier, Grenoble, Marseille, et Paris évidemment... On a installé le barbecue. C’était vraiment la CGT, avec les merguez et tout. Y avait même un concert.
Les journalistes ont envahi notre installation : on n’avait jamais vu ça ! Thierry, notre secrétaire, a donné une dizaine d’interviews...
 »
Le 18 mai dernier, c’était l’Assemblé générale des actionnaires de Capgemini. Et des salariés s’y sont pointés aussi.

«  L’augmentation qu’il nous proposait, on a calculé, ça équivalait à deux pizzas et un café par an. Et dans le même temps, le PDG s’augmente de 800 000 euros ! Et une partie des bénéfices part dans le rachat d’actions pour faire monter les cours.  »
Malgré ça, Corinne et ses copains de la CGT peinent, d’habitude, à rameuter les troupes : « Dans la boîte y a 80% de cadres, c’est pas des gars qui dirigent, mais c’est des ingénieurs, des techniciens. C’est pas des gens habitués à faire grève. Mais petit à petit ça vient. Ils commencent à avoir les mêmes problèmes que nous.  »
Faut dire que, désormais, le « numéro 1 du service informatique en France  » emploie deux fois plus de personnes en Inde qu’ici. Ça fait penser à la conclusion du livre Le grand bond en arrière, de Serge Halimi :

« La même logique [de délocalisation] menaçant de s’étendre prochainement à des professions de plus en plus spécialisées (y compris de conseil juridique, médical, éditorial), les effets positifs du libre échange pourraient bien ne plus seulement être mis en doute par des ouvriers populistes mal dégrossis. Si des ingénieurs, des diplômés de troisième cycle, des polyglottes entrent dans la danse de la contestation, l’ordre libéral va devoir trouver autre chose comme réponse à l’inquiétude générale que le rabâchage des théories de Ricardo. »

« Et pourtant, poursuit Corinne, Paul Hermelin, c’est un patron qui se dit socialiste, c’est un ami de Hollande, et ancien directeur de cabinet de DSK. Il était même sur une liste PS à Avignon. Du coup, on s’est dit qu’il fallait qu’on l’attaque sur son image. »
Avec leur banderole « A gauche, bordel ! », ils interpellent leur PDG : « Dans l’équipe y a pas mal de fans de Merci Patron ! Alors, on s’est un peu inspiré de vous, on s’est fait des tee-shirts ‘Merci Paulo !’. A un moment, on était encore en train d’installer notre campement, quand on voit arriver un homme pas très grand avec une canne, costume-cravate. Il me serre la main. La plupart d’entre nous ne l’ont pas reconnu. Je regarde le tee-shirt d’un copain, et là je percute, c’était Paulo, Paul Hermelin, avec ses deux gardes du corps.
- Qu’est-ce qu’il vous a dit ?
- Y avait de la curiosité, je crois. En fait, il voulait prendre son tee-shirt ! Tu vois, c’est des gars, ils aiment bien la notoriété. Avec cette action, on l’a fait entrer dans la liste des patrons connus, comme Bernard Arnault et tout.
 »

La réaction des actionnaires est plus mitigée : « C’est incroyable ce qu’on a pris dans la tête pendant qu’on leur distribuait les tracts : ‘La CGT, on va vous supprimer !’, ‘C’est grâce aux Indiens que vous avez encore du travail, vous devriez les remercier !’ »
A l’intérieur, devant les dirigeants et les actionnaires, Claude lit les revendications : « Nous vous demandons de rouvrir les négociations annuelles, et d’octroyer une augmentation de mille euros annuels par salarié pour cette année de résultats exceptionnels. »
Hilarité générale dans la salle.
Pas d’éclat de rire, par contre, quand Paul Hermelin demande une augmentation de 18%, votée à la quasi-unanimité. Comme celle des dividendes, qui grimpent de 12,5%. Rien d’extravagant, sûrement, dans cet accord gagnant-gagnant.

Et pour les salariés ?
« Ça nous a regonflés à bloc. Les salariés nous disent ‘bravo’.
L’objectif maintenant, c’est de mettre une dimension internationale. On est en relation avec des syndicats en Italie, en Espagne, etc. L’année prochaine on fait monter toute l’Europe ! »
Et l’Inde, même ?

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Messages

  • Faire travailler des ingés à l’étranger ça s’appelle de l’offshore. Quand je travaillais à Alcatel Espace il y a 20 ans (THAS maintenant), le chef d’un service logiciels industriels comprenant 90% de sous-traitants est allé faire un voyage professionnel au Maroc. Il en est revenu enchanté et il nous a dit devant tous les sous-traitants : "Vous vous rendez compte, des ingénieurs formés en France, payés 4 fois moins cher et qui ne comptent pas leurs heures ! Le bonheur !". Le patron d’Alcatel à l’époque était Serge Tchuruk, le patron qui rêvait d’une entreprise sans usine. Il gagnait en un jour l’équivalent de mon chiffre d’affaire en 1 ans (je suis indépendant).

    Savez-vous que pour décrocher un contrat de développement informatique avec EADS (AIRBUS), il faut obligatoirement que votre réponse inclue au moins 25% d’offshore ? Sinon, vous ne serez pas retenus même si vous êtes le moins disant. C’est entre autre pour ça que toutes les SSII françaises ont des succursales en Inde.

  • bien bel article aux louanges de la CGT...
    Sauf qu’il parait nécessaire de revoir les chiffres et surtout leurs exactitudes avant de les publier...

    Le groupe Capgemini emploie bien +90 000 employés en inde mais c’est 4,5 fois celui d’employés en france, pas 2 fois.
    Et effectivement, sans les indiens difficile de répondre aux sollicitation des services publics.
    Ils ne veulent que du bac +5 mais payé au niveau d’un bac+2 (et encore) et avec 10 à 15 ans d’expérience.
    Donc est ce que cette situation est la faute de l’employeur (Capgemini) ou des clients (qui plus est des services publics) ?

    Pour ce qui est de l’augmentation du salaire de paulo je ne me prononcerai pas (c’est le patron de 180 000 personnes et les responsabilités qui vont avec).
    Pour ce qui est de celle des dividendes, il devient urgent de légiférer pour plafonner les dividendes versés par les entreprises (et principalement ceux versés "à l’étranger" comme les fonds de pension américains) !!

  • Pour donner des ordres de grandeurs
     Nb d’employés total : 180 000
     Nb d’employé en europe : 62 000
    J’ai pas trouvé pour la France, et j’imagine que les revendications de la CGT était pour la France, mais bon => 62 000 x 1000 = 62 Millions

    Résultats nets 2015 : 1 124 millions d’euros
    (cf https://www.fr.capgemini.com/resource-file-access/resource/pdf/annual_report_2015_fr.pdf)

  • Pour le nombre d’employés en France, c’est 20 000.
    La CGT basée en France a commencé sur le calendrier des NAO qui sont franco-française, mais des contacts se prennent à l’international, on sait bien que la bataille ne se gagne pas seul.

    Pour répondre à "sans l’Inde vous n’auriez plus d’emploi", il faut voir de près la façons dont se passent les choses : CAPGEMINI, qui a déposé la marque "rightshore" (la page CAPGEMINI RIGHTSHORE est édifiante !), embauche les jeunes informaticiens en quasi-monopole sur le marché en cassant les salaires, et se sert de sa structure pour aider les grands groupes (banques, industries, etc...) à déocaliser en Indes : en trois temps 1) on passe en prestation chez CAP, 2) on externalise dans les locaux de CAP, 3) on passe en Inde ni vu ni connu pour les salariés du groupe !!!!
    Si CAP GEMINI faisait faillite (il suffirait d’appliquer le délit de marchandage du contrat de travail), beaucoup d’emplois d’informatique reviendraient en France : les groupes ne pourraient pas gérer cette délocalisation en direct. Et les informaticiens de CAP retrouverai immédiatement plus d’emploi, chez l’employeur final, sans rémunérer Hermelin et sa clique de parasites sociaux !
    Par sûr que les indiens y perdraient, car CAP GEMINI n’est probablement pas plus humain avec les salariés en Indes qu’en France...