Blocage : « ne pas parler la langue de l’ennemi »

par L’équipe de Fakir 26/05/2016

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« Blocage », « minorité », « démocratie » : la novlangue socialiste tourne à plein. L’écrivain Gérard Mordillat nous propose un décryptage.

Les communicants qui ont vendu sans relâche aux medias " le coût du travail " à la place du " salaire ", le " plan de sauvetage de l’emploi " pour " plan de licenciement ", " charges sociales " pour " cotisations ", " partenaires sociaux " pour " responsables syndicaux " et tant d’autres leurres qui circulent désormais comme des vérités révélées, viennent de sortir leurs nouveaux produits.

La grève, c’est désormais " le blocage ", elle est le fait non pas de salariés en lutte mais d’une " minorité " et cette minorité est " radicalisée ". La manœuvre est grossière – et sans doute efficace à cause de sa grossièreté même – car elle induit l’équation que tous les médias s’empressent de démontrer : gréviste = terroriste (un mélange d’anarchiste au drapeau noir, de rouge un couteau entre les dents, de djihadiste du conflit social).

Il n’est pas nécessaire d’avoir lu De la guerre de Clausewitz pour savoir qu’il ne faut pas parler la langue de l’ennemi. Jamais. Dans la bouche des représentants du gouvernement actuel, de ses porte-parole dans les médias, des organisations patronales, ce langage est une arme de guerre qui appelle une riposte sur le même terrain.

Désormais, chacun doit s’appliquer à désigner les représentants des organismes patronaux comme " les ennemis sociaux ", les socialistes comme " le parti du pire ", le gouvernement comme " la droite médefiste " et surtout rappeler encore et toujours " le coût du capital ". C’est-à-dire que nous devons refuser d’utiliser ce qu’Olivier Besancenot appelle " la fausse monnaie politique ".

Inventer la langue de la révolte est un acte révolutionnaire.

Gérard Mordillat.

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Messages

  • je suis en tous points sur cette vision réaliste.

    En tant que chef-comptable et chef du personnel, j’avais déjà été choqué par l’appellation DRH. La ressource humaine comprend elle des personnes ou du bétail ?

  • Il y a une autre expression que nous entendons beaucoup en ce moment et que nous devons nous interdire d’employer : "les forces de l’ordre" ; il s’agit en réalité des forces de répression.

  • A ajouter aussi à la collection : à chaque heure sur France-inter, au moment de la publicité gratuite pour le super-marché parisien qui vend des actions boursières comme d’autres vendent de la lessive ou des salades ( mais là on n’a pas droit à leurs cours qui seraient pourtant très intéressants pour un plus grand nombre d’auditeurs), l’utilisation du mot "les investisseurs" à la place "des spéculateurs" ; Dire "les investisseurs ont décidé.... plutôt que " les spéculateurs ont décidé " ça a il est vrai une allure plus rassurante !

  • Super la révolution sémantique ! Sérieusement vous n’avez rien de plus révolutionnaire à proposer ??
    On voit bien que vous n’avez pas faim !!!

  • novlangue : "pour restaurer la compétitivité des entreprises, nous devons diminuer le coût du travail".
    Français : "pour augmenter nos profits, nous devons baisser les moyens de survie des travailleurs".

  • on peut aussi parler de l’expression "prise en otage" en ce qui concerne les greve dans les raffineries. Oser prononcer ce mot dans le contexte des attentats récents est honteux !
    Il y aurait aussi bcp à dire sur l’optimatisation fiscale, la flexibilité du travail, la compétitivité des entreprises, la réforme structurelle courageuse et nécessaire...
    Bref, toute ces belles formules pour cacher une triste réalité !

  • je partage totalement cette reflexion. la guerre sociale que livre les tenants du grand capital doit être remporté par la classe ouvrirent du 21 ème siècle.

  • En réponse à Blocage ne pas parler la langue de l’ennemi : Rayer du vocabulaire "Plan social" pour retrouver l’appellation initiale "Plan de licenciement". Je suis abonné à Fakir, c’est un outil indispensable. ABONNEZ-VOUS !

  • Sur ce sujet, on peut lire l’essai d’Eric HAZAN publié en 2006 chez Raisons d’agir : LQR, La propagande au quotidien.

  • Juste pour préciser suite à la journée du 26 mai 2016, que lassée d’entendre les médias dire que le mouvement s’essouffle et qu’il n’y a plus grand monde dans les rues, que l’on n’est pas gréviste comme on voudrait l’être : quelle petite ou moyenne entreprise autorise ses salariés à s’absenter le temps d’une manif ? quel(le) salarié(e) ose demander ce temps à son patron ? Quels salariés peuvent débrayer à chaque fois pour aller manifester ? Alors on y va une fois sur 2, on traficotte avec nos heures, on prend des RTT, des 1/2 j de congés ou journées entières (super les vacances !), on prend 2, 3, 4 heures sans solde, on récupère les heures, on n’y va pas car on ne peut pas, on y va car on peut... bref 60% des gens en France sont contre la loi travail mais selon les médias il n’y a presque plus personne sauf les casseurs qui se font entendre. Encore faut-il pouvoir aller ds la rue.Perso j’irais bien tous les jours si je n’étais condamnée par tous ces marchands de tapis qui ns condamnent ! mais qui entend ça ? qui nie ça ? La violence invisible des quelques personnalités richissimes qui mènent le monde face à la détresse violente du peuple ! notre façon de vivre doit changer et nous, citoyens, sommes une force extraordinaire pour changer individuellement donc collectivement le monde ! pouvoir des réseaux sociaux immense, tellement possible de changer le monde avec appel au boycott, appel à tout ce qui va vers le progrès social, écolo...

  • Je pense aussi que le langage est très important . Que ce sont les mots qui restent .

    Merci pour cet article .

  • Les changements de vocabulaire suivent aussi/parfois des changements de pratiques. Le mouvement en cours donne lieu à de nombreux "blocages" qui ne sont pas tout à fait des grèves, mais qui sont le fait de grévistes désormais actifs dans et en-dehors de leur entreprise. Ça n’a pas l’air de convenir à Gérard Mordillat, mais c’est un fait ! BLOQUONS TOUT !

  • Je ne sais plus qui a dit : le langage structure la pensée ". Je suis tout à fait consciente du poids des mots et parfois énervée par les mots à la mode qui plombent nos infos. ..comme : dispositif. ..manque à gagner. .pédagogie. .otage.. ils en perdent leur sens.
    Alors bravo pour cet article !!!!!

  • La langue ne ment pas.

    Un docu a voir sur le changement de champ lexical dans la langue allemande lors de la montée du nazisme.
    Ce n’est pas tout jeune cette histoire.

    https://www.youtube.com/watch?v=MUsBJyMtrFs