Merci Patron ! : "Mieux vaut en rire qu’en pleurer"

par L’équipe de Fakir 24/02/2016

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Le sociologue Jean-Pierre Garnier, auteur de La deuxième droite, a vu notre film. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il a aimé. Tellement qu’il s’est fendu d’une critique.

C’est sans aucun doute, selon le cinéphile que je suis, aussi endurci que l’anarcho-marxien que je me targue d’être, le « documentaire » et, au-delà, le film le plus désopilant que j’ai vu depuis longtemps. Pourtant, la réalité qui y est décrite ne prête guère à la rigolade : fermeture d’usine, licenciements, chômage, pauvreté aggravée, expulsion des habitants de leur logement, vie gâchée, bref le lot commun des ouvriers à l’heure de la mondialisation néo-libérale que ses chantres eux-mêmes ne se risquent plus à qualifier d’« heureuse ».

J’ai apposé des guillemets à « documentaire » parce que cette thématique est traitée de manière farcesque sur le mode du film de fiction policier et d’espionnage avec un brio stupéfiant de la part du journaliste François Ruffin, à la fois metteur en scène et acteur. Si celui-ci constitue le personnage central, tantôt réel tantôt déguisé en imposteur ludique, les autres étant des personnes ne jouant que le rôle imparti par leur condition sociale, il en est une, parmi ces dernières, choisie comme cible centrale du film, personnifiant et symbolisant à elle seule le capitalisme décomplexé : Bernard Arnault, l’homme le plus riche de l’hexagone. C’est en effet lui le « patron ». Quant à savoir de quoi et comment il est remercié, ce serait déflorer le film que d’en dire plus long.

"Pulvériser par le rire les mécanismes de la domination de classe en les révélant sans fard"

Je ne raconterai pas ce qui se déroule sur l’écran car c’est irracontable, les mots manquant pour rendre compte de l’effet produit. Bien sûr, le propos de Ruffin ne diffère pas de celui des journalistes du Diplo ou des militants d’Attac, mais ce qui m’a paru sidérant et vivifiant à la fois, c’est le comique exubérant de cette charge anticapitaliste où l’on finit par ne plus en croire ses yeux ou ses oreilles. Coups de théâtres, quiproquos, suspense, gags à foison…, le tout défilant à un rythme accéléré selon un montage à la fois échevelé et rigoureux où les scènes tournées alternent avec les extraits de bandes d’actualité. F. Ruffin fait véritablement feu de tout bois pour non pas « déconstruire » comme diraient les pédants mais bel et bien pulvériser par le rire les mécanismes de la domination de classe en les révélant sans fard, sinon celui dont se griment les clowns.

En cette période de découragement et de déréliction des classes populaires, encore assombrie par le récent retour de bâton terroriste et l’instauration d’un « état d’urgence » liberticide auquel il sert d’alibi, le mérite politique de ce film hors série est de conjuguer la clairvoyance et l’accessibilité, mais peut-être aussi et surtout, grâce à la réjouissante inventivité de son auteur, de donner assez de cœur au ventre à un « public » assis, tant physiquement que psychologiquement, pour que l’envie lui revienne de redevenir un « peuple » debout, c’est-à-dire remobilisé, groupé et organisé, pas seulement autour d’une revendication ou d’un refus collectif, mais porteur d’autres possibles en rupture avec les pouvoirs en place. Pour cette raison, deux mots suffiront en guise de conclusion : Merci Ruffin.

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