La Gauche la plus bête de France

par L’équipe de Fakir 01/07/1999

On a besoin de vous

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« Votre canard, en fait, c’est un sous-marin du PS, ce truc-là... On voit que les municipales approchent... » Non non, je vous assure, on reçoit pas un rond d’eux... « Avec des copains, on en a discuté... Vous êtes encartés au PC, il paraît... » Alors là non, y’a personne chez nous qui... « En y réfléchissant bien, c’est la Mairie qui vous soutient... Comme ça, après, elle peut raconter que, vous voyez, la démocratie locale à Amiens... » Pour l’instant, seule la CIA reste en dehors du coup.

« Vous comprenez, nous expliquait le président de l’Université, votre journal, on peut plus l’imprimer. Ça devient trop politique. On sent des sympathies.
“Ah bon ? Qui ça ?”
“Ben Francis Lecul... d’ailleurs, vous le citez... »”

Faut tout entendre dans ce métier. On rédige un brûlot fouille-merde et mal-pensant, et ça serait pour se ranger derrière ce notable qui cachetonne aux conseils régional, général et municipal ? Derrière ce tribun au verbe mou qui, en vingt ans de carrière pépère, n’a pas soulevé une once de révolte ou d’espoir ? Lorsque ce brave homme intervient à la Mairie, c’est là qu’on regrette d’avoir oublié son sac de couchage et ses oreillers...

Que Maître Lecul ne transpire pas l’énergie, c’est peu dire. Trouvez-moi un seul militant transporté d’enthousiasme, ouais, chic, pour les municipales, demain, dès l’aube, à quatre heures, je sors coller des portraits de Francis...
Dégottez-moi un électeur, juste un, s’en allant voter le cœur léger, glissant avec allégresse un bulletin Lecul dans l’urne, convaincu de changer sa ville pour le mieux... Pas un. Tous, ils y vont en traînant les savates. Faut bien, quoi, hein, puisqu’on est de gauche. C’est ce qu’on appelle le devoir civique. Sûrement pas la joie.

Aucun charisme. Soit. Mais bon, au moins, son projet pour Amiens le sauvera-t-il... Justement. C’est l’originalité du bonhomme. Il n’a pas de programme. Après tout, c’est le meilleur moyen de ne pas le trahir... Notre opposant se borne donc à s’opposer, surfant sur les vagues de mécontentement. Dans le JDA n°136, il annonce : « Ce constat d’insécurité à Amiens est alarmant. »
Puis il passe aux PV, « une pluie diluvienne de 20000 procès-verbaux supplémentaires se sont abattus à giboulées continues sur les automobilistes amiénois ».
Et finit par critiquer la zone franche : « seulement 58 chômeurs y ont trouvé un emploi. »
Même cirque dans le JDA n°151, restauration scolaire, logements de l’OPAC, collège Arthur Rimbaud. Et rebelote dans le n°162. En deux pages, tout y passe : impôts locaux en hausse, budget communication qui explose, ravalement de façade obligatoire, nouveau système de bus, projet de District élargi, etc, etc.
Difficile, dans ce fatras, de dégager une logique ou des priorités. Comment s’étonner, dès lors, qu’il saute en décembre sur la cathédrale comme sur une bonne affaire ? Et d’énoncer un précepte qui lui sert de politique : « il a invité les mécontents à se regrouper dans un collectif et à s’organiser. » (CP, 30/12/99)
Dès lors, déclarer que « la gauche plurielle doit s’affirmer comme une force de proposition et d’alternance », « élaborer un projet alternatif pour Amiens », « offrir aux Amiénois une alternative à la politique conservatrice », relève de la pure incantation. Lui ne se nourrit que de l’opportunisme.

Bis Repetita. Maître Lecul recommence sa campagne de 95. Quatre mois avant le vote, le candidat socialiste attaquait le bilan de Robien : Chômage, formation, exclusion, démocratie... sont les écueils sur lesquels la majorité municipale aurait échoué.
Pour autant, Francis Lecul se garde bien de dévoiler et d’imposer un quelconque programme : “ Au contraire, ce sont les Amiénois qui doivent apporter les solutions à leurs problèmes. [...] C’est pour cela que je les invite à débattre, confronter leurs idées, bâtir l’avenir”. Jolie dialectique : la paresse intellectuelle cachée derrière une volonté de dialogue... Mais on t’a donné cinq ans, mon grand, pour écouter les Amiénois, pour noter leurs désirs, pour en dresser une synthèse.
C’est pas un boulot qu’on entame cent jours avant le scrutin ! Résultat, le PS se ramassa une gamelle : là où, en avril, à la présidentielle, Jospin montait à 23%, en juin, Francis Lecul culminait à 13. Brillant.

« Toute la gauche plurielle doit se mettre en mouvement », déclare notre meneur. « C’est vers cette énergie à laquelle nous appelons dès maintenant. » « Il faut que la gauche veuille gagner à Amiens et s’en donne les moyens. » Et le meilleur moyen, Monsieur Lecul, vous le connaissez ? Prendre votre retraite. Alors la gauche pourra-t-elle, enfin, peut-être, sans vous, impulser un jour ce « mouvement » et cette « énergie » auxquels vous aspirez.

Gremetz, maintenant. Sinon on va nous accuser de...

En 1987, dans son ouvrage “Et pourtant, elle tourne !”, c’est sous des dehors charmants que le camarade Maxime dessine le communisme réel à la veille de son effondrement. Pas un mot sur la Hongrie, le mur de Berlin ou le printemps de Prague. Rien sur l’Afghanistan, le goulag, ou la Pologne. Silence radio. Tout juste parle-t-il de « certaines erreurs ». Bel euphémisme. De même estime-t-il qu’en URSS, « le programme social n’a pas été entiérement réalisé. » Un sens critique aigu. Et c’est en passant qu’il évoque, en Chine, « les dures années de la révolution culturelle. » Assez dures, en effet. Des millions de morts par dizaines. Notre essayiste s’étend davantage, en revanche, sur « les centaines de milliers de vietnamiens [qui] souffrent encore des séquelles de cette guerre impérialiste ». Les bons et les mauvais cadavres, encore et toujours. Au total, les pays socialistes « ont fait la démonstration que de grands problèmes comme la faim, l’éducation, l’emploi, pouvaient trouver des réponses positives ».
En Chine, par exemple. « Une société où près du quart de l’humanité satisfait à ses besoins essentiels par une participation active du plus grand nombre. »
Deux années avant Tien-an-men, c’est de l’art divinatoire.
A Cuba, « la participation active de la population à la construction de la société nouvelle est incontestable. »
Minime a dû fumer un gros pétard de La Havane pour voir de la démocratie partout.
Quant à la Russie, avant Gorbatchev, « la société soviétique s’était-elle développée contre son peuple ? Evidemment, non. » Evidemment, oui. « Quiconque lutte pour les droits de l’homme, conclut l’auteur, ne peut être indifférent au processus de transition du capitalisme au socialisme qui est en cours. »
C’est vrai. On ne pouvait y être indifférents. Seulement inquiets.

C’est du passé, faisons table rase.

Soit. Encore faudrait-il que l’intéressé ne se montre pas trop nostalgique de cet ordre soviétique. Chargé, sous l’ère Marchais, de cirer les pompes des partis frères, notre orthodoxe semble regretter le bon temps des Honecker, Jaruzelski et Ceaucescu...

Notre député a ses mérites, certes. Il paraît qu’il bosse. Comme un damné. Nuit et jour. Le stakhanoviste de l’Assemblée. Mais à quoi bon suer du burnous, si c’est pour préserver le droit des canards à se faire dézinguer en plein hiver dans le Marquenterre ? Rien de plus urgent ?

Admettons : l’on peut se féliciter, parfois, de ce trublion qui bouscule le gouvernement. Pousse les 35 h vers plus d’intransigeance. Propose un texte antilicenciement, etc. Reste que c’est une chose de l’envoyer semer la merde à Paris, c’en est une autre de le garder ici comme premier magistrat. Imaginez-le Maire d’Amiens ! Deux mois après, c’est Sarajevo ! Aux abris pour les bombardements de l’OTAN ! Car à force de militer pour la chasse de nuit, d’annoncer les mises en examen comme le tiercé en direct à la radio, de lutter contre la « dictature socialiste », de jouer les Bébels en forçant les barrages de police, de défiler dans la rue avec les cathos de Neuilly, Simpletz se fait traiter de « débile », « menteur », « irresponsable », « emmerdeur » jusque par ses camarades cocos. De « con, bête et méchant » par Robert Hue. Sans parler de nos abonnés. « Un pitre », « un bouffon », « un rigolo », « un clown »... Hum. Un peu de diplomatie. Disons que le seul truc sérieux, chez Gremetz, c’est son manque de crédibilité.

Les municipales, on s’en fout. C’est plié. De Robien sera réélu, et basta. Le seul doute, dans les états-major, c’est de savoir si notre édile passera au premier ou au second tour. Bonjour l’enjeu. Alors maintenant, pour nous, ce qui compte, c’est de sonner les cloches à ce maire-là... pourquoi, à deux pas de la Licorne, à l’ombre de ce stade qui coûta 15 millions, pourquoi des Amiénois vivent-ils encore sans eau ni électricité ? pourquoi se déplacer jusqu’aux États-Unis, jusqu’à Atlanta, pour séduire les patrons de là-bas, si l’on ne s’en rend même pas Renancourt, discuter avec ses concitoyens, prendre le café avec eux, découvrir comment ils vivent ?

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Messages

  • hein ? Gremetz ? "défiler dans la rue avec les cathos de Neuilly" ???
    Il a lu le plan de Paris à l’envers et confondu Neuilly sur Seine et Neuilly sur Marne peut-être...