Climat, justice, égalité, emploi, bonheur. La croissance d’abord ? (1)

par Antoine Dumini, François Ruffin 04/04/2014 paru dans le Fakir n°(56) juillet-septembre 2012

On a besoin de vous

Le journal fakir est un journal papier, en vente dans tous les bons kiosques près de chez vous. Il ne peut réaliser des reportages que parce qu’il est acheté ou parce qu’on y est abonné !

Il y a à la fois quelque chose de pathétique et de comique dans ces discours qui se répètent, depuis bientôt quarante ans, presque à l’identique. Chez ces dirigeants qui courent après une « croissance » qui ne revient jamais. C’est le meilleur prétexte, le plus formidable, pour repousser à toujours plus tard les réformes progressistes. Comme si les révolutionnaires de 1793, ou nos papys du Front populaire avaient l’œil braqué sur les indices de productivité...


[*Il y a à la fois quelque chose de pathétique et de comique*] dans ces discours qui se répètent, depuis bientôt quarante ans, presque à l’identique. Chez ces dirigeants qui courent après une « croissance » qui ne revient jamais. Qui guettent le ciel financier comme des météorologues, dans l’espoir d’un coin de ciel bleu. Qui ouvrent les entrailles de la relance comme des pythies. Qui réclament de nous une « attitude », un « comportement », un « état d’esprit » — comme si c’était nous qui l’effrayions, cet étrange oiseau, avec notre psychologie trop négative.

Comique, donc, par la répétition du même gag. Mais pathétique, aussi, parce que c’est l’un des biais qui rend la politique dérisoire depuis tant d’années. Nous ne pourrions rien faire, ou si peu — du symbolique ; nos présidents et ministres ne pourraient rien changer, sans, d’abord, cette croissance. C’est le meilleur prétexte, le plus formidable, pour repousser à toujours plus tard les réformes progressistes.

Et c’est reparti de plus belle ! Avec François Hollande, bien sûr, qui croit sortir l’Europe de la récession en implorant la croissance du soir au matin (toujours assorti de « dans la maîtrise des dépenses publiques », etc.). Mais qu’on tombe, par hasard, sur une édition du supplément économique du « Monde » et qu’y lit-on ? En une, la tête de Nicolas Baverez, avec pour titre : « Un agenda pour la croissance en Europe ». Plus loin, une opinion de Pierre Jacquet, de l’Agence française du développement : « La diversification des exportations, moteur de la croissance africaine ». On continue à feuilleter, la chronique habituelle de Martin Wolf s’intitule : « L’Europe doit agir vite pour renouer avec la croissance. »

Contre ces mille bouches, qu’on remette la politique avant l’économie. Qu’on redonne à la démocratie sa prééminence. Nous n’attendrons pas la croissance pour imposer une véritable égalité, pour démarrer la transition écologique. Ces choix communs, nous ne les conditionnons pas, nous ne les mettons pas à la remorque d’une hausse ou non du Produit intérieur brut. Croyez-vous qu’ils avaient l’œil rivé sur la productivité, lorsqu’ils bouleversaient la France, les révolutionnaires de 1793, ou nos papys du Front populaire ? Et les syndicats eux-mêmes, jusqu’aux années 70, ne se laissaient pas avoir à cet attrape- nigaud...

Portfolio

Écrire un commentaire

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
  • Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

Messages

  • Il y a surtout beaucoup de croissances dont on ne parle jamais. On pourrait souhaiter, de façon non limitative :
     plus d’air pur
     plus de silence
     plus d’amis pour l’apéro
     plus de temps pour soi, aussi
     plus de place dans le métro
     plus de concerts classiques en "prime time"
     plus de discours politiques en vraie langue françoise
    VIVE LA CROISSANCE

  • Il est surtout urgent de passer à la décroissance si l’on veut sauver notre terre ! Une décroissance modérée et écologique !

  • Ce qui est frappant, c’est qu’aucun politique aujourd’hui n’a envie d’accepter une vérité qui les met tous dans la difficulté : une croissance infinie dans un monde fini est impossible. Les seuls ahuris qui tentent de nier la réalité croient dur comme fer en la capacité de la science à trouver des matériaux de substitution, et donc à ne surtout rien changer puisque « nous trouverons une solution » (on pourrait leur objecter que si on avait une solution à la raréfaction du pétrole, les Etats-Unis arrêteraient de dépenser chaque année la moitié de leur PIB en guerres impopulaires pour mettre en place les filières de la substitution).

    En France, même les Verts n’ont pas de consensus ou de position commune claire vis-à-vis de la croissance. A force de gavage médiatique et de dévoiement de l’écologie politique, on nous fait croire que l’écologie peut-être « ni de gauche, ni de droite », quelle fumisterie … Seul Mélenchon s’attaque (timidement) au concept de croissance infinie et informe, en accusant le PS de vouloir une France qui produit « n’importe quoi, pour n’importe qui », ce qui au passage permet habilement de critiquer la politique de l’offre.

    L’écologie politique est une idéologie de gauche ! Elle prône la répartition des ressources, et leur utilisation durable. Elle est par nature opposée à la croissance ! Alors que devons-nous ressentir lorsque nous voyons les Verts se mettre à plat ventre devant les « socialistes » de droite ? Voter leurs budgets ? Voter leurs lois ? Il est temps que les Verts tournent à gauche ! Le Front de Gauche devrait être rejoint par les Verts !